Chine

Nom de domaine : .cn
Population : 1 338 612 968
Internautes : 420 000 000
Prix moyen d’une heure de connexion dans un cybercafé : environ 1,50 euro
Salaire mensuel moyen : entre 160 et 200 euros
Nombre de net-citoyens emprisonnés : 77 Sur fond de polémique avec Google et les Etats-Unis sur le futur d'Internet, les autorités chinoises continuent à renforcer la censure sur le Web, face à une communauté en ligne de plus en plus dynamique. L’ouverture tant vantée par les organisateurs des Jeux olympiques de 2008 n’aura été qu’une illusion. La Chine reste la plus grande prison du monde pour les net-citoyens. Diffusion amplifiée de la propagande, surveillance généralisée et traque aux signataires de la Charte 08 sont de mise sur ce qui est devenu l'intranet chinois. Avec des conséquences non négligeables sur le commerce. La polémique Google Le géant d'Internet Google a donné un véritable coup de projecteur sur la censure d'Internet en Chine en annonçant, le 12 janvier 2010, qu'il renonçait à censurer la version chinoise de son moteur de recherche, google.cn, quitte à devoir se retirer du marché. Une décision prise à la suite de cyber-attaques très sophistiquées ayant visé des dizaines de militants des droits de l'homme et journalistes. Un bras de fer est depuis engagé entre les autorités chinoises – qui assurent qu'Internet en Chine est “tout à fait ouvert” - et l'entreprise américaine, devenue le porte-étendard des défenseurs de la liberté d'expression sur le Net. La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a apporté son soutien à Google, dans un discours prononcé le 21 janvier. Elle érige les Etats-Unis en défenseurs d'un Internet libre, accessible à tous, et fait de la défense de la liberté d'expression sur Internet une priorité de la politique étrangère américaine. La Grande muraille électronique : le système de censure le plus abouti au monde La Chine a la plus grande population d’utilisateurs du Web au monde, avec 380 millions d'internautes, selon les autorités. Le système de contrôle y est l’un des plus poussés. Il a été mis en place dès la création d'Internet, afin de faciliter son développement pour des raisons économiques tout en en contrôlant strictement le contenu, et en évitant la diffusion d'informations à caractère “subversif”. Les censeurs parviennent à bloquer des dizaines de milliers de sites en combinant un filtrage des URLs avec la censure par mots clés, de Tiananmen au dalaï-lama en passant par “démocratie” ou “droits de l'homme” Depuis que les caractères chinois ont été introduits sur le Net et que la Chine contrôle les noms de domaine .cn, le régime a mis en place un véritable intranet. Les noms de domaine en idéogrammes donnent accès à des sites installés sur le territoire chinois. En tapant .com.cn, l'internaute est redirigé vers la version chinoise du site concerné. Par conséquent, tout internaute chinois utilisant les idéogrammes est cantonné sur cet intranet, déconnecté du World Wide Web. La censure s'est institutionnalisée, elle dépend de plusieurs ministères et administrations. Au système de filtrage s'ajoute le contrôle des plus grandes plateformes de blogs. L'aide des entreprises étrangères et notammment des moteurs de recherche de Yahoo!, de Microsoft, et encore à l'heure actuelle de Google, leur rend la tâche aisée. Les principaux sites d'informations, tout comme les médias chinois, reçoivent chaque jour des directives orales et écrites du Département de la Publicité qui précisent quels sujets peuvent ou ne peuvent pas être couverts et selon quelles modalités. Par exemple, ce département a envoyé les instructions suivantes afin d’empêcher la couverture de l’affaire de corruption dans laquelle est impliqué Hu Haifeng, le fils du président Hu Jintao, en Namibie : "Hu Haifeng, Namibie, Enquête Corruption Namibie, Enquête Corruption Yang Fan, enquête corruption TsingHua TongFang, enquête corruption Afrique du Sud : faites en sorte qu’il n’y ait aucun résultat de recherche pour ces mots clés". Les moteurs de recherche ont appliqué une censure drastique sur cette affaire. Renforcement de la censure et intensification de la répression L'année 2009 a été marquée par une série d'anniversaires sensibles : la révolte du Tibet (en mars), les dix ans d'interdiction de Falungong et les vingt ans de la répression sanglante de Tiananmen Square (en juin). Autre événement politique marquant de l'année : les soixante ans de la République populaire, le 1er octobre. Les autorités ont réagi chaque fois en imposant aux médias traditionnels et aux nouveaux médias une censure brutale. A la veille de la commémoration du vingtième anniversaire de la répression de la place Tiananmen, une dizaine de sites tels que Twitter, YouTube, Bing, Flickr, Opera, Live, Wordpress ou Blogger ont été bloqués. Une grande majorité de jeunes Chinois ne connaissent même pas l’existence des événements de juin 1989, tant le black-out a été maintenu au cours des vingt dernières années. "La recherche n’est pas en conformité avec les lois, les règlements et les politiques." Voici la réponse qu’obtient l’internaute chinois quand il tape "4 juin" sur les pages "Photos" du moteur de recherche Baidu, le plus populaire du pays. Avant l'anniversaire de la République populaire, les censeurs ont redoublé d’efforts pour empêcher les internautes d’utiliser des logiciels de contournement de la censure, comme Freegate, en bloquant des milliers d’adresses IP étrangères soupçonnées de participer à ce réseau. Le contrôle administratif s'est renforcé à la fin 2009 et au début 2010. En décembre 2009, les autorités ont annoncé la mise en place prochaine de l'obligation pour tous les sites de s'enregistrer sur une liste blanche sous peine d'être placés sur une liste noire. Potentiellement, des millions de sites pourraient être bloqués, ainsi que des sites étrangers si cette règle leur est appliquée. L'interdiction faite à des particuliers de se procurer des noms de domaine .cn a été levée en février 2010 mais au profit de l'installation d'un système draconien de contrôle : les individus qui souhaitent créer un site Internet doivent désormais s’enregistrer en personne, en présentant une pièce d’identité aux autorités de contrôle. La campagne contre la pornographie lancée en janvier 2009 a conduit, selon les autorités, à la fermeture de 15 000 sites un an plus tard, et à l'arrestation de plus de 5 000 personnes. Elle a aussi conduit à la fermeture de sites qui n'ont rien à voir avec le sujet. Le New York Times a été brièvement bloqué en janvier 2009. La plateforme de blogs Bullog.cn, très en vogue chez les blogueurs militants et les intellectuels, a été fermée le même mois. Elle “publiait un grand nombre d’informations négatives dans le domaine politique”, selon le ministère de l’Information. Elle avait notamment relayé la Charte 08, une pétition publiée en ligne demandant plus de libertés dans le pays, notamment sur Internet, et signée à ce jour par plusieurs milliers de Chinois. Dans le cadre de cette campagne, le gouvernement a également ordonné aux fabricants d’ordinateurs chinois et étrangers d’installer sur leurs produits un logiciel de filtrage appelé “Green Dam Youth Escort”, destiné à protéger les jeunes internautes des contenus “néfastes”. Mais les options de filtrage inclueraient la possibilité de bloquer du contenu politique et religieux. Face au tollé suscité par la mesure, les autorités ont repoussé l’installation obligatoire du logiciel. La liste des mots clés filtrés est régulièrement mise à jour. Parmi les sites récemment censurés : ImDb, un site d'informations sur le cinéma. YouTube, Blogger, Twitter, Facebook, BBC en chinois, FriendFeed, Dailymotion, Flickr, etc. Les censeurs sont particulièrement intéressés par le blocage de sites participatifs et d'échange d'images. Le 30 mars, l'Administration de la Radio, du Film et de la Télévision (SARFT) a publié une note sur le renforcement du contrôle du matériel audiovisuel posté sur Internet, qui détaille une trentaine de contenus interdits ou à modifier. Des sites de militants des droits de l'homme, Chinese Human Rights Defenders (CHRD) et Independent Chinese Pen Center (ICPC) mais également le site d'informations Boxun, ont été hackés en janvier 2010 et rendus inaccessibles pendant des jours. Leur fournisseur d'accès étranger a été victime de ce qu'il désigne comme l'attaque DDoS la plus intense qu'il ait jamais expérimentée. Ces attaques ont été précédées par l'installation de logiciels malveillants sur les sites des organisations concernées. Traitement discriminatoire du Xinjiang et du Tibet dans l'accès à l'information La censure touche de plein fouet les provinces “à risque”, comme le Tibet et le Xinjiang. La répression s’y abat en permanence sur ceux qui tentent de faire circuler des témoignages des violences commises par les forces de sécurité. Des dizaines de Tibétains et d'Ouïghours sont détenus, certains condamnés à la prison à vie, pour avoir envoyé des informations à l’étranger ou tenté d’informer en dehors de la ligne du Parti. Les sites tibétains hébergés en Chine Tibettl (http://www.tibettl.com/), connu pour héberger le blog de l’écrivain populaire Jamyang Kyi, et ChodMe (http://www.cmbpd.cn/index.html) sont inaccessibles depuis la plus grande partie du territoire chinois, notamment au Tibet. En août 2009, l'internaute Pasang Norbu a été arrêté par les autorités chinoises à Lhassa, pour avoir consulté le site Radio Free Asia (http://www.rfa.org/english/). L’écrivain et photographe tibétain Kunga Tseyang a été condamné en novembre 2009 à cinq ans de prison pour avoir notamment publié des articles sur Internet. Deux jours plus tôt, le fondateur d’un site Internet littéraire, Kunchok Tsephel, a écopé d’une peine de quinze ans de prison pour "diffusion de secrets d’Etat". Le Xinjiang a été coupé du monde suite aux émeutes de juillet 2009 et attend toujours d'être reconnecté à Internet. Les autorités ont rétabli l'accès début 2010 aux seuls sites des médias officiels Xinhua et People's Daily et continuent de censurer tous les sites en langue ouïghoure ou ceux qui traitent du Xinjiang. Les internautes qui surfent depuis cette province ne peuvent pas laisser de commentaires, ni consulter les forums des rares sites accessibles. Il est également impossible d’envoyer et de recevoir des mails. La censure a été suivie d'arrestations. llham Tohti, professeur d’économie à l’Université centrale des nationalités de Pékin et directeur du site uighurbiz.net, a été détenu illégalement pendant plusieurs semaines à l'été 2009. Les cyberdissidents et fondateurs de sites ouïghours Dilshat Parhat, Nureli, Obulkasim et Muhemmet, arrêtés à l'été 2009, sont toujours emprisonnés. La plus grande prison du monde pour les net-citoyens Trente journalistes et soixante-dix net-citoyens sont actuellement derrière les barreaux pour s'être exprimés librement. Les accusations portées contre eux sont la “subversion” ou “diffusion de secrets d'Etat”. Des peines de prison très lourdes ont été prononcées récemment contre des net-citoyens et dissidents. L'intellectuel Liu Xiaobo a été condamné, en décembre 2009, à une longue peine de prison – 11 ans - pour avoir écrit sur Internet et participé au lancement de la Charte 08. Plus de cent autres signataires ont été interpellés, menacés, convoqués par la police politique, aux quatre coins du pays. Le cyberdissident Huang Qi a vu sa peine de trois ans de prison confirmée en appel, et le blogueur Tan Zuoren a été condamné à cinq ans de prison pour avoir osé contredire la version officielle sur les victimes du tremblement de terre de mai 2008 au Sichuan. D’autres militants des droits de l’homme reconnus croupissent toujours en prison, comme Hu Jia. Arrêté en décembre 2007, il a été condamné en avril 2008 à trois an et demi de prison pour avoir publié des articles sur Internet et accordé des interviews à des journalistes étrangers dans le cadre de son combat notamment contre le sida et pour l’environnement. Enfin, l’avocat défenseur des droits de l’homme Gao Zhisheng, arrêté le 4 février 2009, n'a plus donné de nouvelles depuis, ce qui laisse craindre qu'il ait pu succomber sous le coup des tortionnaires. Surveillance renforcée et propagande à tout va La surveillance devient de plus en plus sophistiquée. La cyberpolice, qui compte plus de 40 000 membres, scanne constamment le Web, avec une vigilance particulière pour les “éléments subversifs”. Début 2010, suite aux révélations de piratage de comptes Gmail, des militants des droits de l'homme et des journalistes ont constaté que leurs comptes avaient été hackés et leurs e-mails reroutés vers une autre adresse e-mail, inconnue. Les cybercafés sont aussi placés sous haute surveillance. Leurs clients doivent montrer une pièce d'identité et être pris en photo. Le détail de leurs connexions est conservé et mis à disposition des autorités. Leurs activités sont observées en direct par des gérants sous pression. La connexion entre les commissariats et des endroits “sensibles” comme des cybercafés ou des centres financiers a été développée et améliorée, dans le cadre du projet “Safe City”. Le gouvernement a pris le parti d'empêcher l'accès à toute information nocive et de la noyer dans des messages présentant la vision officielle des événements. Car le régime “occupe le terrain”, en nourrissant le cyberespace de sa propagande. Et il répond systématiquement en ligne aux critiques du régime. Les forums de discussion sont parcourus par des internautes connus sous le nom du “Parti des cinquante centimes”, payés pour laisser des commentaires positifs. Bienvenue dans Control 2.0. Une communauté en ligne dynamique et inventive Toutefois, de nombreuses informations circulent sur l'intranet chinois et des discussions agitées se tiennent dans les forums. Les blogueurs et les internautes utilisent de plus en plus de proxies et VPN pour contourner la censure. Ils continuent leur travail de dénonciation des travers de la société et des abus de l’Etat. Ce qui oblige de plus en plus fréquemment les médias officiels à couvrir ces affaires gênantes. Les nouveaux médias aident ainsi les médias traditionnels à repousser les limites de la censure. L'annonce de l'incendie qui a touché l'une des tours de la télévision d'Etat CCTV s'est faite via Internet et Twitter – alors que les médias d'Etat, dont CCTV, avaient reçu l'ordre de se taire. Des blogueurs comme Zola se sont fait connaître pour la couverture de sujets sociaux, comme les évictions forcées. Le cyberdissident Huanq Qi a aidé à révéler la responsabilité des autorités dans l'effondrement des écoles suite au tremblement de terre dans le Sichuan. Les internautes disposent d'un certain pouvoir quand ils s'organisent. La Charte 08 a été publiée en ligne et largement diffusée avant de subir les foudres de la censure, ce qui explique la traque lancée contre ses rédacteurs. Une jeune femme, Deng Yuqiao, qui a tué un homme tentant de l'agresser, a bénéficié d'une campagne de soutien dans la blogosphère et sur Twitter. Une véritable traque a même été lancée par des net-citoyens contre des officiels corrompus. Quand Twitter a été bloqué, des internautes en colère ont envahi un site “copieur” de Twitter, t.people.com.cn, lancé par le très officiel People's Daily, forçant le site à fermer. Les internautes ont recours à l'humour et à des jeux de mots pour ridiculiser les censeurs. Ils ont par exemple détourné le slogan “La politique du Comité central du parti est yakexi (bonne)”, chanté par des Ouïghours lors des dernières cérémonies officielles du nouvel an chinois, en utilisant un homonyme de yakexi qui signifie “lézard”. Le lézard a alors envahi le Web chinois comme symbole de la condamnation de la censure. Tout comme l'histoire du lama “Caonima”, dont le nom prononcé un peu différemment est une insulte, et qui est attaqué par les crabes de la rivière symbolisant les censeurs. Le lézard et le lama ont connu une popularité sans précédent. Ils ont été déclinés en peluches, clips, chansons, dessins animés et parodies de l’émission le Monde des Animaux de la CCTV, la télévision d’Etat. Obstacle au commerce et contrefaçon sur internet La censure d'Internet n'est pas seulement une question de droits de l'homme. Elle concerne aussi le commerce et les affaires, handicapés par le manque d'accès à une information fiable. L'importation de téléphones et d'ordinateurs portables équipés de Wifi a été interdite en Chine car sur ces derniers sont installées des technologies de filtrage qui rendent la surveillance plus difficile. L'iPhone a été lancé en novembre 2009 seulement, deux ans après le reste du monde, et sans sa capacité wifi. La censure en ligne est devenue aussi une manière de discriminer les entreprises étrangères et d'accorder un traitement préférentiel aux entreprises chinoises Les visiteurs de Google.com se sont retrouvés reroutés vers Baidu plus d'une fois. D'après le site Inside Facebook, Facebook est passé d'un million d'utilisateurs en juillet 2009 à 14000 fin 2009. Le site est bloqué. Ses équivalents chinois, Renren.com et 51.com notamment, dominent désormais le marché. Un équivalent local à Twitter a été lancé une fois le site de micro-blogging bloqué. YouTube a lui aussi ses clones chinois, tels que Tudou.com et Youkube.com. Le Wall Street Journal a ainsi qualifié la censure d'Internet de “protectionnisme déguisé”. La Chine avait promis en 2001, lors de son accession à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), de permettre aux entreprises étrangères d'avoir un accès illimité à de nombreux services, dont les services en ligne. Elle vient en décembre 2009 d'être condamnée pour son régime d'importation et de distribution de films, livres et musique, jugé discriminatoire par les Etats-Unis. L'OMC lui a recommandé de “se mettre en conformité”. L'organisation internationale devrait aussi examiner au plus vite la question de la censure en ligne comme obstacle au commerce. Liens : http://cmp.hku.hk/ : site du centre d’études sur le journalisme et les médias de l’Université de Hong Kong (anglais)
http://boxun.us/news/publish/ (Boxun) : site d’informations sur l’actualité en Chine (anglais et mandarin)
http://chrdnet.org/ : site de l’organisation Chinese Human Rights Defenders (anglais et mandarin)
http://www.hrichina.org/ : site de l’organisation Human Rights in China (anglais)
http://www.xinhuanet.com : agence de presse officielle Xinhua (anglais, mandarin)
http://sirc.blogspot.com blog sur l’Internet en Asie (anglais)
http://blog.sina.com.cn/xujinglei : blog de la star chinoise Xu Jinglei, le plus populaire du pays (mandarin)
Publié le
Updated on 20.01.2016