Chasse aux sorcières au Niger
Les trois journalistes nigériens accusés d’avoir publié des documents compromettant pour plusieurs personnalités nigériennes, dans le journal Le Courrier ont été entendus hier par le procureur. Ce dernier a décidé de placer Moussa Dodo, le directeur de publication, et Ali Soumana, le propriétaire du journal, sous mandat de dépôt en attendant de fixer la date du procès. Le procureur s’est appuyé sur le code de procédure pénale en lieu et place de la loi sur la presse, ce qui constitue, pour RSF, une violation manifeste du droit à la liberté de l‘information au Niger. Les intéressés ont été inculpés pour “divulgation de documents saisis lors d’une perquisition et jet de discrédit sur une décision de justice”. Soumana Idrissa Maiga, l’imprimeur, a été libéré mais reste poursuivi pour “complicité”.
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Au Niger, trois journalistes sont maintenant derrière les barreaux pour avoir publié un document de notoriété publique. Reporters sans frontières (RSF) demande la libération immédiate de Soumana Idrissa Maiga, Ali Soumana et Moussa Dodo.
L’imprimeur du journal Le Courrier, Soumana Idrissa Maiga, par ailleurs journaliste et patron de presse, a été placé en garde à vue, lundi 6 juin au soir, dans les locaux de la police judiciaire, pour "avoir imprimé Le Courrier". Cette arrestation fait suite à la détention depuis samedi 4 juin du proprétaire et du directeur de publication du journal Le Courrier, Ali Soumana et Moussa Dodo.
Ces deux derniers sont accusés de “publication de documents” pour avoir fait paraître dans les éditions du 19 mai au 2 juin 2016 les fac similés de listes envoyées par des personnages éminents de la société nigérienne au directeur des admissions des agents de la santé publique, afin de placer leurs protégés. Les domiciles des deux journalistes, ont été perquisitionnés samedi en fin de journée et la police continue de les interroger afin d’identifier leurs sources.
Ces documents étaient pourtant publiques depuis le procès pour fraude des cadres du ministère de la Fonction publique impliqués dans ce scandale. Parmi les personnes soupçonnées d’avoir influencé les résultats des concours, on compte la première dame, la présidente de la Cour constitutionnelle, le chef d’Etat-major général des armées et le ministre du Pétrole.
“Cet acharnement contre des hommes des médias qui ont tout simplement fait leur travail est intolérable, déclare Reporters sans frontières. Les documents sont en outre de notoriété publique puisqu’ils ont été produits dans le cadre de l’enquête en cours. Les autorités nigériennes se discréditent en s’acharnant de la sorte contre des hommes des médias, en violant de surcroit la loi sur la presse de leur pays.”
La loi sur la presse du Niger prévoit en effet que la justice peut se retourner contre l’imprimeur d’un titre uniquement lorsque le directeur et ou le propriétaire de ce dernier ne sont pas accessibles. Or, Ali Soumana et Moussa Dodo sont en détention depuis samedi 4 juin déjà. Par ailleurs, cette même loi interdit la détention des journalistes pour délits de presse.
Le Niger occupe la 52ème place au Classement 2016 de la liberté de la presse établit par Reporters sans frontières. Si l’arrivée au pouvoir du Président Issoufou avait laissé espérer un vent de liberté sur la presse, celle-ci semble reprise en main par certains éléments du gouvernement aujourd’hui.