Chantage dans l’attribution des licences et détérioration inquiétante de la situation

Reporters sans frontières s’inquiète des nouvelles attaques contre des journalistes bulgares survenues ces deux dernières semaines. L’agression, le 10 février 2010, de Dimitar Varbanov, correspondant de la télévision privée BTV et les menaces de mort proférées le 8 février 2010 par le porte-parole de la police de la ville de Stara Zagora à l’encontre d’Ivan Yanev démontrent que le climat d’intimidation se prolonge. La recrudescence des agressions et les dysfonctionnements importants qui ont émaillé l’attribution de la licence de diffusion de la radio K2 indiquent également que les réformes promises par le nouveau gouvernement n’ont pas encore vraiment débuté. Nous étions en attente de signaux clairs de la part du nouveau gouvernement et d’une politique volontariste en matière de liberté de la presse. Qu'un porte-parole de la police menace de mort un journaliste est inacceptable, tout comme le fait que les autorités ne condamnent pas fermement les assassinats de professionnels de la presse. Le meurtre de Georgy Stoev et la tentative d’assassinat sur Ognyan Stefanov en 2008 soulignent pourtant à quel point ces menaces prennent tout leur sens en Bulgarie. Les chantages et les dysfonctionnements qui émaillent encore très souvent l’attribution des licences de diffusions sont intolérables au sein d’un pays membre de l’Union européenne. Il est plus que temps que la Commission de régulation des télécommunications travaille en dehors de toute considération politique. Les règles fixées pour l’attribution des licences gagneraient à être très rapidement clarifiées et appliquées. Nous demandons au gouvernement et aux autorités de régulation d’y travailler activement et de garantir à la radio K2 la propriété intellectuelle, commerciale et administrative de sa licence de diffusion. Le paysage radiophonique indépendant est limité et la disparition de K2 serait préjudiciable à l’indépendance de l’information. Reporters sans frontières a joint par téléphone la rédaction de la radio K2 qui a confirmé avoir entamé toutes les procédures juridiques légales. « Nous avons déposé aujourd’hui notre requête devant les cinq magistrats de la Cour suprême d’administration qui a trente jours pour statuer. Nous faisons l’objet de nombreuses pressions. Il semble que notre audience intéresse un certains nombres d’acteurs qui convoitent clairement, soit la propriété de la licence, soit notre engagement à leur offrir une couverture médiatique favorable. Nous espérons vivement que les juges de la Cour suprême nous confirmeront que nous sommes bien les propriétaires de cette licence de diffusion que nous avons acquise en décembre 2009.» Le 10 février 2010, Dimitar Varbanov, correspondant à Veliko Tarnovo de l’émission Gospodari na efira (Maîtres de l’antenne) diffusée par la télévision privée BTV, a été agressé à coups de marteau par un entrepreneur immobilier Kristo Chapanov. Dimitar Varbanov enquêtait sur des fraudes liées au marché immobilier de la ville de Veliko Tarnovo, et s’était rendu avec une équipe de tournage dans un complexe d’appartements qui seraient vendus sans que les acheteurs puissent disposer de tous les actes légaux de propriété. Blessé à la tête et souffrant de plusieurs contusions, Dimitar Varbanov a été transféré à l’hôpital. La police a procédé à l’arrestation de Kristo Chapanov. Nous sommes inquiets de la recrudescence des agressions et des pressions exercées sur la presse, tout spécialement dans les régions qui vivent une situation de plus en plus difficile. La corruption qui frappe une partie du marché immobilier est un sujet capital en Bulgarie. Si la lutte contre ce phénomène relève clairement de la responsabilité de l’Etat, la dénonciation et la publication des enquêtes menées sur le sujet devrait être encouragées et protégées . « Comment oses-tu annoncer ceci avant que la police donne sa version officielle ? Tu es mort ! Comprends-tu ? Tu es déjà mort. C’est la fin pour toi. Casse-toi » C’est dans ces termes que, le 8 février 2010, le porte-parole de la direction de la police régionale de Stara Zagora, Yonka Gueorguieva, s’est adressé à Ivan Yanev, correspondant de l’agence BGNES, qui couvrait le meurtre d’un policier dans le village d’Enina. Arrivé parmi les premiers sur les lieux, Ivan Yanev est, depuis, interdit de présence dans le village. Dans un entretien avec Reporters sans frontières, le directeur de BGNES, M. Neshkov, a déclaré : « Depuis les menaces proférées à l’encontre de notre correspondant, le ministre de l’Intérieur a répété dans les médias qu’il était ridicule de croire qu’un homme de 50 kilos (parlant du porte-parole) puisse menacer quelqu’un. Pourtant il refuse de nous répondre alors même que nous lui avons fait parvenir à plusieurs reprises toutes nos coordonnées téléphoniques. Nous lui avons demandé clairement, sans succès pour le moment, de prendre position sur les menaces proférées par son administration. Depuis plusieurs jours, Monsieur Gueorguieva a lancé une campagne de dénigrement de BGNES, qu'il accuse de sensationnalisme et de profiter de la mort de ce policier. Il n’y a rien de plus faux. Ivan a contacté le porte-parole avant de se rendre sur les lieux. Aucune autre information ne nous a été communiquée. Depuis cette altercation, nous ne pouvons plus nous rendre sur les lieux et nous n’avons plus accès aux informations. »
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Updated on 20.01.2016