Censure, expulsion et espionnage: le New York Times, cible à abattre du pouvoir chinois

Lire en Chinois / 看中文 Reporters sans frontières condamne avec la dernière énergie la violation du secret des sources perpétrée par les autorités chinoises, qui compromet la sécurité des journalistes du New York Times et de leurs interlocuteurs chinois. Depuis plusieurs mois, le quotidien américain subit l’acharnement croissant des autorités : son article sur la fortune de Wen Jiabao a récemment été censuré, ses journalistes se voient refuser la délivrance ou le renouvellement d’accréditations et de visas, et son système informatique serait, depuis quatre mois, la cible de hackers. “Si les hackers au service du pouvoir ont pour ordre d’espionner un quotidien aussi reconnu que le New York Times, cela signifie que le gouvernement chinois cherche à intensifier sa traque contre les voix dissidentes en identifiant les sources du journal. Cela signifie également que de grands moyens sont déployés pour tenter de museler la presse internationale, qui s’ajoutent aux récents actes de censure dont elle a été victime, et aux difficultés croissantes pour les journalistes étrangers d’obtenir des visas pour la Chine. Si de telles pratiques ont lieu à l’encontre du New York Times, tout laisse présager de la pression et de la surveillance que subissent les journaux chinois”, a déclaré Reporters sans frontières. “Nous saluons l’esprit de responsabilité du New York Times, et incitons les médias victimes d’attaques similaires à agir de même, dans l’intérêt de leurs sources et collaborateurs”, a ajouté l’organisation. Le 30 janvier, le quotidien a déclaré subir des attaques de hackers en provenance de Chine, depuis 4 mois. Les premières intrusions auraient eu lieu le 13 septembre 2012, alors que le journal s’apprêtait à publier son reportage sur la fortune amassée par les proches du Premier ministre sortant Wen Jiabao. Le New York Times aurait laissé les hackers agir pendant quatre mois pour identifier chaque back door utilisée. Selon les experts engagés par le quotidien, les techniques utilisées par les hackers ressembleraient à celles qu’affectionne l’armée chinoise : ces derniers ont piraté le réseau du journal en s’y introduisant via les comptes mails de journalistes basés sur le territoire chinois et à l’étranger, notamment celui de David Barboza, le chef du bureau de Shanghai, auteur du rapport sur Wen Jiabao, et de Jim Yardley, responsable du bureau Asie du Sud, basé en Inde. Les hackers ont par la suite installé des logiciels malveillants, leur permettant d’accéder à tous les ordinateurs du réseau du New York Times. Des logiciels reconnus par les experts comme étant d’origine chinoise. Ces derniers auraient également trouvé des preuves de la subtilisation des mots de passe de 53 employés du journal. La Chine a réfuté toute implication, par la voix de son ministre de la Défense nationale, Liang Guanglie. Ce cas de hacking des réseaux d’un journal n’est pas inédit, et la Chine n’en est pas à son coup d’essai : l’année dernière, l’agence Bloomberg avait été ciblée par différentes attaques et plusieurs de ses ordinateurs infectés. Cette attaque coïncidait alors avec les révélations de Bloomberg sur la fortune amassée par les proches de Xi Jinping, alors pressenti pour tenir les rênes du parti, puis du pays. Pour le New York Times, “l’augmentation du nombre d’attaques répertoriées en provenance de Chine suggère que les hackers ont entamé une vaste campagne d’espionnage visant plusieurs cibles, parmi lesquelles des entreprises, des agences gouvernementales, des groupes activistes et des médias aux Etats-Unis”. Ces attaques envers des journalistes occidentaux tendraient à s’intensifier depuis 2008. Des difficultés administratives croissantes Le 31 décembre 2012, Chris Buckley, correspondant australien du New York Times, a été forcé de quitter le pays après que les autorités n’ont pas délibéré en temps voulu sur le renouvellement de son visa pour l’année 2013. Basé en Chine depuis 2000, le journaliste agé de 45 ans avait rejoint le New York Times en septembre de l'année dernière, après avoir travaillé pour l'agence Reuters. Après avoir attendu en vain une réponse à ses demandes répétées de renouvellement d'accréditation, le journaliste et sa famille ont été contraints de se rendre à Hong Kong. Le quotidien américain attend également depuis mars 2012 une accréditation pour Philip Pan, nommé à la tête de son bureau de Pékin. Une censure tenace Le New York Times fait depuis plusieurs années déjà les frais d’une surveillance accrue de la part du régime chinois, qui s’est intensifiée depuis ses révélations sur l’enrichissement des proches de Wen Jiabao. L’enquête a été censurée par les autorités, qui ont également bloqué sur le site de micro-blogging chinois Sina Weibo toute recherche comportant les mots “Wen Jiabao” ou “New York Times”. Le 31 janvier, le Wall Street Journal a annoncé à son tour des attaques sur ses ordinateurs, en provenance de Chine, qui auraient pour but de “contrôler la couverture médiatique de la Chine”. En fin de journée, la chaîne CNN a elle aussi annoncé que le réseau informatique de son service international avait été bloqué plusieurs minutes à la suite d’un reportage réalisé sur le hacking du New York Times. Le 2 février, le site de micro-blogging Twitter a révélé à son tour que les comptes de quelque 250 000 utilisateurs auraient été victimes d’attaques informatiques similaires à celles portées contre le New York Times, pointant du doigt le gouvernement chinois. La Chine est classée au 173e rang mondial sur 179 pays dans le classement 2013 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. Photo : Flickr / alextorrenegra
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Mise à jour le 20.01.2016