Bombe artisanale et voiture piégée contre des rédactions : danger à l’approche des élections

L’attentat à la bombe artisanale commis le 25 mars 2012 à Matamoros, dans l’État de Tamaulipas, contre le siège de la chaîne nationale Televisa laisse craindre une reprise des intimidations ciblées dont ce média avait fait l’objet en 2010 aux mêmes endroits. Cette nouvelle attaque a causé quelques dégâts matériels et n’a heureusement pas fait de victimes. Elle intervient néanmoins dans la foulée de deux autres attentats commis dans cette même région nord du pays, traditionnellement la plus violente. “Le risque d’escalade violente contre les rédactions est moins que jamais à exclure, alors qu’approche l’échéance des scrutins fédéraux du 1er juillet prochain. Entraver ou saboter le fonctionnement des supports d’information relève de l’intérêt direct des cartels, et de certaines autorités complices, alors que le thème de l’insécurité dominera une fois encore une large partie de la campagne électorale. Après six ans d’offensive fédérale contre le narcotrafic, dont le bilan s’élève à plus de 50 000 morts et qui sont autant d’années de faillites pour les droits de l’homme et les libertés fondamentales, quelles solutions envisagent les candidats à la présidence de la République pour restaurer l’État de droit ? Quelles suites seront données à la fédéralisation des atteintes violentes droit d’informer ?”, s’interroge Reporters sans frontières. Ce nouvel attentat contre Televisa suit de près celui perpétré à la voiture piégée, le 19 mars, devant le siège du quotidien Expreso à Ciudad Victoria, toujours dans l’État de Tamaulipas. Là encore, les dégâts n’ont été que matériels mais l’objectif d’intimidation semble avoir été atteint, Expreso ayant très retiré de son site – un temps suspendu – la nouvelle de l’attaque, d’après le quotidien Vanguardia. Tout aussi inquiétant est le mitraillage de la façade du domicile de Víctor Montenegro - éditeur de l’hebdomadaire El Contralor et contributeur des revues Contralineas et Lobo times - durant la nuit du 24 mars à Durango, capitale de l’État du même nom. Seule la mère du journaliste, qui partage l’habitation avec son fils, se trouvait sur les lieux au moment des faits. Elle est heureusement saine et sauve. Víctor Montenegro, qui a dénoncé l’attaque auprès de la sous-délégation du ministère fédéral de la Justice, n’émet pas d’hypothèse formelle quant à son mobile. “Je ne traite pas d’affaires de narcotrafic ni ne mène d’enquête de ce genre. Mais je suis un journaliste très critique, qui intervient sur des problématiques sociales”, a-t-il expliqué à Reporters sans frontières. Classé à la 149e place (sur 179 pays) du dernier classement mondial de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières, le Mexique compte 80 journalistes tués et 14 autres disparus en une décennie. Victoire judiciaire
Reporters sans frontières se félicite, néanmoins, de la relaxe prononcée par la Cour suprême de justice de la nation (SCJN), le 28 mars 2012, en faveur de deux journalistes poursuivis pour “dommage moral”. Eduardo Huchim, de la revue emeequis, et Rubén Lara, du quotidien Rumbo de México, étaient poursuivis depuis octobre 2008 par la magistrate Consuelo Villalobos, après avoir rendu publics des pièces de documents officiels portant sur la construction du nouveau siège du Tribunal fédéral de justice fiscale et administrative. Les journalistes avaient été condamnés par deux fois à des dommages et intérêts élevés et à l’interdiction de mentionner l’affaire à l’appui de documents officiels. “C’est une bataille gagnée pour la liberté d’expression, après trois ans et cinq mois de procédure civile”, nous a déclaré Eduardo Huchim, qui attend une autre résolution de la SCJN sur le même dossier pour que soit acquise la jurisprudence. “C’est un précédent de plus sur les limites de la protection de l’honneur des personnalités publiques, dans des cas d’intérêt public”, a souligné l’avocate des journalistes, Perla Gómez Gallardo.
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Updated on 20.01.2016