Bénin : RSF demande la libération immédiate d’Ignace Sossou

Ignace Sossou, journaliste béninois d’investigation accusé de « harcèlement », est privé de liberté depuis le 20 décembre pour avoir tweeté des propos tenus par le procureur de la République près du tribunal de Cotonou. Des accusations infondées, comme le prouve la retranscription des propos du magistrat. Reporters sans frontières (RSF) demande sa remise en liberté immédiate et l’abandon rapide des charges qui pèsent contre lui.

Plus rien ne s’oppose à la libération immédiate d’Ignace Sossou, journaliste d’investigation et directeur de production de Bénin Web TV, condamné le 24 décembre 2019 à 18 mois de prison ferme pour “harcèlement par le biais de moyens de communication électronique”. Le journaliste avait été interpellé quatre jours plus tôt à son domicile après avoir relayé sur les réseaux sociaux des propos du procureur de la République du Bénin près du tribunal de Cotonou tenus au cours d’un atelier de travail organisé le 18 décembre par l’agence française de développement médias (CFI) auquel tous deux participaient.


La publication des propos exacts tenus par le procureur, révélés par un communiqué de l’agence française le 2 janvier, permet d’établir très clairement que le journaliste a repris mot pour mot – à quelques exceptions près – les expressions utilisées par le magistrat au cours de cet atelier sans aucunement détourner le sens du message exprimé. Lors de cette rencontre, le magistrat avait effectivement estimé que les coupures internet utilisées “au Bénin ou ailleurs” traduisent un “aveu de faiblesse des pouvoirs politiques face au phénomène des fausses nouvelles.” De la même manière, le procureur avait bel et bien associé l'actuel code du numérique du pays à une “arme braquée sur la tempe des journalistes”.


“La condamnation de ce journaliste à 18 mois de prison ferme pour avoir rapporté des propos n'apparaît plus seulement comme une dérive grave et une peine illégitime que nous avions déjà dénoncées. Elle est désormais infondée en fait, estime Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. Nous demandons aux autorités béninoises de ne pas créer un précédent dangereux et inédit qui consisterait à mettre en prison des journalistes pour une absence de contextualisation alors même que les propos relayés ont bien été tenus et le sens du message conservé. Ce reporter doit être remis en liberté sans délai et les charges qui pèsent contre lui abandonnées le plus rapidement possible.” 


Ignace Sossou, membre du projet de journalisme d’investigation à partir de bases de données en Afrique de l’Ouest (CENOZO) et du réseau de journalistes d’investigation 3i, avait déjà été condamné à un mois de prison avec sursis en août dernier après avoir contribué à révéler une affaire d’évasion fiscale concernant un homme d’affaires français opérant au Bénin.


Contrairement à plusieurs de ses voisins d’Afrique de l’Ouest, le Bénin connaît un recul important de la liberté de la presse ces dernières années. Soleil FM, radio d’opposition très écoutée mais régulièrement brouillée dans le pays, fait l’objet depuis deux semaines d’une suspension jusqu’à nouvel ordre, officiellement pour un simple problème administratif. Son propriétaire, Sébastien Ajavon, l’un des principaux opposants du président et habilité à signer le renouvellement de la convention de son média, vit en exil en France. Depuis l’arrivée au pouvoir de Patrice Talon en 2016, plusieurs médias critiques ou proches de l’opposition ont été suspendus, des journalistes ont été arrêtés et internet a été coupé en marge des élections législatives d’avril 2019.


Le pays a perdu 18 places ces deux dernières années et occupe actuellement la 96e position sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2019.

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Mise à jour le 04.01.2020