Depuis le début du mois d’octobre, plusieurs femmes ont été victimes d'attaques à l’acide dans la ville de Ispahan. En réaction, les autorités iraniennes, embarrassées par la vague d’indignation qui agite la population, s'en prennent aux médias, à travers une série de menaces et d'arrestations visant journalistes et net-citoyens.
Le 22 octobre 2014, alors que pas moins de sept femmes ont été victimes d’attaques à l’acide, une centaine de manifestants se sont réunis devant le palais de justice dans les villes d'Ispahan et de Téhéran devant le parlement, pour réclamer “la fin de la violence contre les femmes”. Plusieurs responsables du régime, ainsi que des organes de presse proches des Gardiens de la Révolution comme
Tasnim news et
Fars news ont accusé certains médias d’assurer une couverture “excessive” de ces affaires en “mettant en cause le rôle des organisations qui veillent au respect de la tenue vestimentaires des femmes ( le hijab islamique)”. En effet, la plupart des victimes auraient été ce que le régime considère comme des “femmes mal voilées”.
Le 27 octobre, le procureur général de la République islamique, Ebrahim Raissi, a déclaré qu’”il ne fallait pas fermer les yeux sur le délit de trouble de l’opinion publique par les médias”. De son coté Ali Younessi, l'un des conseillers du président de la République Hassan Rohani considère que “un Iranien ne peut pas avoir commis un acte aussi violent”. Mais “si l'auteur se révèle être iranien, il est sûrement sous l’influence de groupes contre-révolutionnaires basés à l’étranger”.
La veille, Ahmad Khatami, l’imam du vendredi de la ville de Téhéran, un mollah proche d'Ali Khamenei, a
estimé que « les médias qui accusent les personnes qui veillent aux bonnes mœurs dans la société et les accusent d’être les auteurs des attaques à l’acide doivent être poursuivis par la justice”. Enfin, Mohammad Javad Larijani, le représentant de la République islamique au conseil des droits de l'homme des Nations unies a évoqué dans une interview avec la télévision nationale, “la possibilité de l’appui d'un Etat étranger dans l’affaire des attaques à l’acide”.
Le 25 octobre, Abbas Jafari Dowlatabadi, le procureur de Téhéran
a déclaré que “les informations publiées par certains médias ayant troublé l’opinion publique, les directeurs de plusieurs journaux ont été convoqués pour d’éventuelles poursuites judiciaires”.
Le même jour,
Arya Jafari, photographe de l’agence
ISNA, a été arrêté par des agents en civil après la perquisition de son domicile dans la ville d'Ispahan. Le 27 octobre, quatre autres journalistes de l'agence
ISNA en Ispahan ont été convoquées et placés en détention, deux d’entre eux ont été libérés provisoirement quelques heures plus tard. La rédactrice en chef et la responsable de la rubrique sociale de l'agence ont été libérées provisoirement après 48 heures de détention. Les motifs de leur arrestation, la nature des autorités responsables, n’ont pas été officiellement notifiés.
Le 20 octobre 2014, quelques jours après la médiatisation de l’affaire des attaques à l’acide, le site d'information des Gardiens de la Révolution de la ville d'Ispahan
a annoncé dans un communiqué de presse le “démantèlement d’un réseau organisé malveillant menant des activités immorales sur les réseaux sociaux”, ainsi que “l’arrestation de six individus en relation avec des pays étrangers”. Le soir même des "
aveux" des personnes arrêtées ont été diffusés sur la radio télévision nationale.
Selon les informations réunies par Reporters sans frontières, plusieurs journalistes dans les deux villes de Téhéran et d’Ispahan ont été menacés notamment par téléphone. On leur a “interdit de suivre ou d’écrire sur ce dossier”.
“À la veille de l’examen périodique universel (EPU) de la République islamique d’Iran, le 31 octobre 2014, Reporters sans frontières attire l’attention du Conseil des droits de l'homme sur la situation préoccupante des professionnels de l'information dans ce pays. Depuis quatre ans, le bilan de l'Iran en matière de liberté d'information est catastrophique. Les attaques systématiques des autorités iraniennes contre les médias et les journalistes professionnels ou amateurs montrent le désengagement de ce régime face à ses obligations”, déclare Reza Moini, responsable du bureau Iran/Afghanistan de Reporters sans frontières.
Avec 48 journalistes et net-citoyens emprisonnés, la République islamique d’Iran reste l’une des cinq plus grandes prisons du monde pour les professionnels de l’information.
L’Iran occupe la 173e place sur 180 pays dans le Classement mondial 2014 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.