Après les révélations sur Pegasus, RSF dépose plainte à Paris, aux côtés des journalistes franco-marocains Omar Brouksy et Maâti Monjib

L’organisation de défense du journalisme a déposé plainte formellement contre X, mais la plainte vise en réalité la société NSO Group, dont RSF dénonce les agissements depuis 2017. La plainte appelle le procureur à “identifier les auteurs et complices” des infractions visées.

Mardi 20 juillet, Reporters sans frontières (RSF) a déposé plainte contre X auprès du procureur de la République de Paris après les révélations du Projet Pegasus sur l’utilisation du logiciel de la société israélienne NSO Group pour surveiller les journalistes. Ce logiciel a été utilisé contre au moins 180 journalistes dans 20 pays, dont 30 en France. Rédigée par les avocats de RSF William Bourdon et Vincent Brengarth, la plainte vise en réalité NSO Group, dont le logiciel a servi à une répression du journalisme.


RSF invoque notamment les infractions d’atteinte à l’intimité de la vie d’autrui (art. 216-1 du Code pénal), la violation du secret des correspondances (art.226-15), la collecte frauduleuse de données personnelles (art. 226-18), l’introduction frauduleuse de données, l’extraction et l’accès frauduleux à des systèmes automatisés de données (art. 323-1 et 3, et 462-2), ainsi que l’entrave indue à la liberté d’expression et l’atteinte à la confidentialité des sources (art 431-1). Cette plainte est le début d’une série, dans plusieurs pays, avec des journalistes directement visés.


Il résulte de la plainte que les journalistes apparaissent comme des cibles privilégiées du logiciel, comme tous ceux que la répression marocaine s’attache à réduire au silence. Les journalistes franco-marocains Omar Brouksy et Maâti Monjib font partie de ceux-là. Auteur de deux livres sur la monarchie marocaine, ancien correspondant de l’AFP, le premier est un collaborateur de RSF au Maroc, tandis que le second a été défendu récemment par l’organisation. Il a été libéré le 23 mars, après 20 jours de grève de la faim, et demeure dans l’attente de son procès.


“Nous mettrons tout en œuvre pour que NSO soit condamnée pour les forfaits dont elle est coupable et les tragédies qu’elle rend possibles, avait expliqué Christophe Deloire, secrétaire général de RSF dans une série de tweets le 19 juillet. Après le dépôt de la plainte, il précise : “Nous avons déposé plainte en premier lieu en France car ce pays apparaît comme une cible privilégiée des clients de NSO Group, et parce que le siège international de RSF s’y trouve. D’autres plaintes suivront, dans d’autres pays. L’ampleur des infractions divulguées appelle une réponse judiciaire massive.”


En 2019, après les révélations du Financial Times sur l’attaque des smartphones d'une centaine de journalistes, militants des droits humains et dissidents politiques, plusieurs plaintes avaient déjà été déposées contre la société NSO, dont une plainte déposée en Californie par le service de messagerie WhatsApp. Dans l’amicus curiae fourni dans le cadre de la procédure, RSF et d’autres organisations soulignaient : “Les intrusions dans les communications privées d’activistes et de journalistes ne sauraient être justifiées par des nécessités de sécurité ou de défense, mais visent uniquement à permettre que les opposants soient traqués et bâillonnés. Pourtant, NSO continue à fournir des technologies de surveillance à ses clients étatiques, tout en sachant qu'ils l'utilisent pour violer le droit international et manquant ainsi à sa responsabilité de respecter les droits de l'homme.”


En 2020, RSF avait inclus NSO Group dans sa liste des “prédateurs numériques”.

Publié le
Updated on 20.07.2021