Les talibans resserrent l’étau autour de Afghanistan International en interdisant aux journalistes de travailler avec cette chaîne indépendante

La Commission des plaintes contre les médias et des violations des droits a ordonné aux journalistes de ne plus travailler avec la chaîne Afghanistan International. La diffusion de la chaîne dans les lieux publics a été également interdite. Reporters sans frontières (RSF) exhorte le ministre de l’Information et de la Culture taliban de lever cette interdiction, qui vient compléter une série d’entraves à la liberté de la presse. 

La chaîne internationale la plus populaire d'Afghanistan est désormais dans le viseur des talibans. Après avoir décidé en avril 2024 de fermer deux chaînes privées, Noor TV et Barya TV, la Commission des plaintes contre les médias et des violations des droits (Media Complaints and Rights Violations Commission), placée sous la tutelle du ministère taliban de l'Information et de la Culture, a ordonné, le 8 mai, aux journalistes et aux analystes de s'abstenir de toute participation et de toute collaboration avec les programmes d’Afghanistan International. Sa diffusion dans les lieux publics, comme les restaurants, a également été interdite officiellement. Diffusée par satellite depuis Londres, la chaîne internationale d’information en continu est accessible via le câble et aussi sur les réseaux sociaux.

“Les talibans mènent une répression implacable de la liberté de la presse dans le but de de contrôler leur image en censurant toute information critique. Ces derniers mois plusieurs journalistes, accusés de collaborer avec des médias étrangers et en exil, ont été ciblés et détenus arbitrairement. La restriction d’Afghanistan International émane d’un ordre officiel qui dévoile au grand jour la stratégie du régime d’étouffer toute voix indépendante. RSF demande au ministre de l’Information et de la Culture d’assurer que les journalistes et contributeurs des médias étrangers et en exil puissent travailler librement et en sécurité, et que la chaîne Afghanistan International puisse être diffusée dans le pays sans aucune restriction.

Célia Mercier
Responsable du Bureau Asie du Sud de RSF

Le porte-parole du ministère de l'Information et de la Culture taliban, Khubaib Ghufran, a déclaré que Afghanistan International avait violé les normes professionnelles et franchi les limites morales et juridiques”, en invoquant dix raisons officielles. “Nous sommes accusés entre autres de falsifier les faits et de répandre de ‘la désinformation’, déplore Harun Najafizada, directeur de la chaîne, contacté par RSF. Pourtant, nous fondons notre travail sur le journalisme factuel, qui repose sur un processus robuste de vérification”.

Cette décision pourrait en réalité être liée à de récents reportages qui auraient crispé le régime, comme la couverture dans le Badakhshan, au nord-est du pays, de manifestations contre les talibans réprimées dans le sang, ou encore la diffusion en février d’un reportage révélant au grand jour des cas de torture de prisonniers politiques dans la prison de Pul-e-Charkhi à Kaboul.

Le porte-parole du ministère Khubaib Ghufran a également mentionné que toute collaboration avec Afghanistan International serait considérée comme un acte criminel. “Les talibans n'ont pas précisé quelles seraient les sanctions, indique Harun Najafizada Nous restons inquiets, c'est une décision qui va à l’encontre de la liberté de la presse et à l’encontre des lois sur les médias du pays”.

Le 16 avril déjà, la fermeture des deux chaînes privées Noor TV et Barya TV avait été ordonnée au motif qu'elles ne respectaient pas les valeurs nationales et islamiques.

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