RSF demande la décriminalisation de la diffamation aux Philippines, après une nouvelle condamnation d’un journaliste à de la prison

Le reporter philippin Frank Cimatu a été condamné ce mardi 13 décembre à une peine de prison pour une publication en ligne ironisant sur des soupçons de corruption au sein du gouvernement. Reporters sans frontières (RSF) exige l’abandon des charges et demande, plus largement, la décriminalisation de la diffamation aux Philippines.

 

Cinq ans de prison pour deux phrases publiées sur Facebook il y a cinq ans… C’est la peine à laquelle pourrait être confronté le journaliste Frank Cimatu, après sa condamnation, prononcée hier, mardi 13 décembre, par un tribunal de Quezon, en banlieue nord de Manille.

Basé à Baguio, dans le nord du pays, le reporter de l’hebdomadaire Baguio Chronicle et du portail d’information en ligne Rappler est poursuivi depuis 2017 pour “diffamation en ligne” par le ministre de l’Agriculture de l’époque, Emmanuel “Manny” Piñol. En cause, un simple post Facebook dans lequel le journaliste ironisait sur le fait que le ministre s’était enrichi de 21 millions de pesos (plus de 300 000 euros) au moment précis où l’épidémie de grippe aviaire frappait l’île de Luzon. 

Harcèlement judiciaire implacable

Pour cela, Frank Cimatu écope plus exactement d’une peine qui va de six mois à cinq ans et cinq mois de prison le système judiciaire philippin prévoit qu’un juge d’application des peines décide de la teneur effective de ce type de sentence. Le journaliste a annoncé le 14 décembre qu’il allait faire appel de cette décision.

"Quelle que soit la durée effective de la peine, on n’emprisonne pas un journaliste pour un message posté en ligne en toute bonne foi, déplore Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières. RSF exige que les charges absurdes qui pèsent sur Frank Cimatu soient abandonnées, et exhorte le législateur philippin à dépénaliser la diffamation. Ce cas apporte la preuve, s’il en fallait, que les lois sur la criminalisation de la diffamation aux Philippines sont instrumentalisées pour intimider les reporters critiques du pouvoir.”

 

La fondatrice de Rappler, Maria Ressa, a elle-même été condamnée le 15 juin 2020 pour la même infraction de “diffamation en ligne” par un tribunal de Manille. Lauréate du prix Nobel de la paix 2021, elle est la cible d’un implacable harcèlement judiciaire lancé par différentes agences gouvernementales sous la présidence de Rodrigo Duterte, entre 2016 et 2022. 

Au total, les différentes accusations qui la visent toujours, sous l’actuelle administration, pourraient lui valoir une peine d’emprisonnement cumulée qui avoisine les cent ans.

Ce type de harcèlement judiciaire qui vise les journalistes philippins explique, pour partie, la position des Philippines dans le Classement mondial de la liberté de la presse de RSF, où l’archipel est classé 147e sur 180 pays.

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