Iran : l’acharnement contre la journaliste Narges Mohammadi doit cesser

Les autorités de la prison d'Evin s’acharnent à réduire au silence par tous les moyens la journaliste Narges Mohammadi. Elles la coupent chaque jour davantage du monde extérieur et la menacent, une fois de plus, d'alourdir sa peine de prison pour avoir écrit la lettre “Parler pour sauver l’Iran” et une autre dénonçant les agressions sexuelles contre les détenues. Face à ces condamnations et sanctions vindicatives récurrentes, Reporters sans frontières (RSF) saisit l’Organisation des Nations unies (ONU) et demande sa libération immédiate.


Mise à jour du 07/08/23 :  Narges Mohammadi a vu sa peine alourdie, le 04/08, d'un an de prison, la portant à 10 ans et 9 mois, assortie de 154 coups de fouet, pour avoir dénoncé les violences sur les détenues. 


 

Détenue depuis novembre 2021, la journaliste Narges Mohammadi, lauréate du prix du courage de RSF 2022, fait l’objet d’une persécution policière et judiciaire. Pour la lettre “Parler pour sauver l’Iran” et une autre dénonçant les violences sexuelles subies par les femmes en prison, elle est désormais coupée du monde  ni visite, ni appels téléphoniques ne lui sont autorisés  et visée par les autorités de la prison d’Evin par de nouvelles inculpations pour la maintenir en détention.

"Le cas de Narges Mohammadi est emblématique de la persécution incessante des journalistes par les autorités iraniennes pour tenter de les faire taire. Mais les murs de la prison d’Evin ne pourront jamais étouffer la voix de Narges Mohammadi. Plus les autorités iraniennes essaient de la faire taire, plus ses paroles résonnent fort. La détention arbitraire et les punitions vindicatives dont elle fait l’objet doivent cesser immédiatement. Nous en appelons aux instances compétentes de l’Organisation des Nations unies (ONU).

Jonathan Dagher
Responsable du bureau Moyen-Orient de RSF

Le mercredi 7 juin, RSF a saisi les instances en charge de la protection des droits de l'homme des Nations unies pour les alerter sur la dégradation des conditions de détention de la journaliste et sur les violations répétées de ses droits depuis plus d'une décennie. Les rapporteurs spéciaux de l’ONU sur la liberté d'expression, sur la situation des droits de l’homme en Iran, sur la violence contre les femmes, et sur la torture ainsi que le Groupe de travail sur les détentions arbitraires ont reçu cet “appel urgent” de RSF pour obtenir la libération immédiate de la journaliste. L’organisation y encourage de nouveau l’ONU à condamner publiquement la répression extrêmement violente contre les journalistes en Iran depuis le début du mouvement de révolte populaire en septembre 2022. 

Un acharnement judiciaire

La journaliste Narges Mohammadi, qui a contribué à de nombreux journaux et publié le livre documentaire White Torture, a été régulièrement arrêtée et emprisonnée ces 12 dernières années. Depuis sa dernière arrestation le 16 novembre 2021, les inculpations, les condamnations et les mesures répressives ne cessent de s’accumuler. Elle risque de voir, pour la troisième fois, sa peine de prison alourdie pour avoir écrit une lettre ouverte, en décembre 2022, dans laquelle elle alertait le rapporteur spécial de l'ONU sur les droits humains en Iran sur les agressions sexuelles subies par les femmes en prison. Selon ses proches contactés par RSF, elle serait inculpée pour "contact avec des organisations étrangères opposées à la République islamique". Toujours selon sa famille, elle serait également menacée de poursuites additionnelles en lien avec ses activités au sein de la prison. 

“Les murs d'Evin ne pourront jamais étouffer la voix de Narges Mohammadi”

Car, malgré l’acharnement policier et judiciaire pour la faire taire, Narges Mohammadi ne plie pas et continue de faire entendre sa voix. Suite à la publication de sa lettre sur les agressions sexuelles en prison, ses droits de visite, grâce auxquels elle pouvait encore rencontrer ses proches vivant en Iran, sont, depuis janvier, limités. En avril, alors qu’elle parvient à diffuser une nouvelle lettre publique intitulée "Parler pour sauver l'Iran", les autorités pénitentiaires ripostent en lui interdisant officiellement toute visite. Au cours des semaines suivantes, Narges Mohammadi et d'autres prisonnières politiques signent plusieurs déclarations et organisent un sit-in dans la cour de la prison pour dénoncer les exécutions en Iran. Les représailles ne se font pas attendre : elle est désormais privée de toute communication téléphonique, sachant que les appels internationaux lui sont déjà interdits depuis 13 mois. 

Cela fait donc plus d’un an que Narges Mohammadi n’a pas pu entrer en contact direct avec ses deux enfants et son mari, qui vivent en France. Ce dernier, l’écrivain Taghi Rahmani, déclare à RSF : “Notre rêve de liberté, de laïcité et d'égalité en Iran nous donne à tous les deux le pouvoir de vivre au jour le jour.” Mais il s’inquiète de ce qu'une peine plus longue pourrait signifier pour la famille. "C'est très difficile. Nous pensions être séparés encore 8 ans, et on apprend qu'elle pourrait rester en prison bien plus longtemps, déplore-t-il. Nous espérons que cela cessera un jour.” 

Narges Mohammadi fut arrêtée pour la première fois en 1998 pour avoir critiqué le gouvernement iranien. Depuis, la journaliste, qui est également porte-parole du Centre des défenseurs des droits humains, n'a cessé de faire des allers-retours en prison. Elle a été violemment arrêtée le 16 novembre 2021, à peine un an après sa libération, lors d'une commémoration d'une des victimes du deuxième anniversaire de la répression sanglante de 2019. Le 22 février 2022 elle a bénéficié d'une brève permission de sortie de prison pour raisons médicales qui a pris fin brutalement le 12 avril 2022. Depuis, elle est l'une des détenues les plus combatives de la prison d'Evin, où elle a récemment été rejointe par les deux journalistes emblématiques du mouvementFemme. Vie. Liberté”, Niloofar Hamedi, correspondante du quotidien Shargh et Elaheh Mohammadi, journaliste pour Han Mihan, arrêtées en septembre 2022 pour avoir couvert la mort et les funérailles de la jeune étudiante Kurde Mahsa Amini.

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