Dans le dossier Eutelsat, le Conseil d’État donne raison à RSF contre l’Arcom
En réponse au recours déposé par Reporters sans frontières (RSF), le Conseil d’État a décidé de suspendre la décision de l’Arcom par laquelle le régulateur français de l’audiovisuel se déclarait incompétent pour mettre en demeure l’opérateur satellitaire français Eutelsat de cesser la diffusion de chaînes de propagande russes.
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Par une ordonnance importante rendue ce vendredi 9 décembre en référé, le Conseil d’État suspend l’exécution d’une décision de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) dans le dossier Eutelsat. Dans un courrier envoyé le 29 septembre, l’Arcom avait rejeté la demande de RSF d'engager une procédure de mise en demeure envers Eutelsat SA, dont les satellites diffusent des chaînes de propagande russe à destination de la Russie ainsi que de l’Ukraine et des pays baltes.
Reporters sans frontières (RSF) avait déposé un recours le 17 novembre 2022 contre le refus d’agir de l’Arcom. Le Conseil d’État juge qu’il y a un “doute sérieux sur la légalité” du refus de l’Arcom de reconnaître sa compétence dans ce dossier, et enjoint à l'Arcom de réexaminer la demande de RSF. Celle-ci visait à faire cesser la diffusion par l’opérateur satellitaire des chaînes russes Rossiya 1, Perviy Kanal et NTV en Russie, en Ukraine et dans les pays baltes.
“Cette décision est une victoire pour le droit à l’information fiable, et pour la lutte contre la propagande de guerre du Kremlin. Nous nous félicitons que notre argumentation juridique l’ait emporté face à une autorité de régulation qui avait fait la lecture la plus minimaliste des textes pour justifier de son incompétence, et a utilisé tous les arguments, même les plus contraires à l’évidence, pour ne pas agir.
En reconnaissant qu’il existe un doute sérieux quant à la légalité du refus d’agir de l’Arcom, le Conseil d’État impose de fait à l’autorité d’agir pour imposer à Eutelsat, une entreprise française, de cesser de contribuer à la propagande de guerre russe à destination de rien moins que 15 millions d’abonnés, soit environ un tiers des foyers abonnés russes et 25 % des ménages de la Fédération de Russie.
“C’est une très importante victoire d’étape, ajoute Patrice Spinosi, avocat de Reporters sans frontières. Elle rappelle l’Arcom à sa mission de protection de la liberté d’information comme aux engagements internationaux de la France. La voie est désormais ouverte à l’interdiction générale pour les opérateurs satellitaires français comme Eutelsat de contribuer, aux frontières de l’Union ou dans des territoires illégalement occupés par l’armée russe, à la diffusion de propagande politique comme de récits incitant à la haine, à la violence et aux crimes de guerre.”
La décision relève que “ni l’Arcom, ni la société Eutelsat ne contestent sérieusement la réalité, l’actualité et l’ampleur des conséquences dommageables susceptibles de résulter de la diffusion des programmes litigieux auprès des publics qui les reçoivent.” RSF dénonce depuis de nombreux mois la contribution d’Eutelsat à la diffusion des trois chaînes, fers de lance de la propagande de guerre du Kremlin, qui propagent à longueur d’émission des propos relevant de l’incitation à la haine et à la violence contre la population ukrainienne, des appels à l’extermination de masse voire de l’incitation au génocide. Il sera à présent difficile pour l'Arcom de ne pas user de son pouvoir de mise en demeure.
Au terme de cinq mois de campagne, RSF remercie tous ses soutiens, particulièrement le Comité Denis Diderot ainsi que Me Patrice Spinosi et ses collaborateurs. L’organisation appelle dès à présent l’Arcom à tirer toutes les conséquences de la décision du Conseil d’État, en mettant Eutelsat en demeure de mettre fin à la diffusion des chaînes russes en cause et en incitant l’autorité de régulation à prendre toute sa part dans la défense de l’espace informationnel européen.