S’il existe en Serbie un journalisme de qualité, primé pour ses enquêtes sur le crime et la corruption, il est pris en tenailles entre fake news et propagande. En dépit d’un cadre juridique solide, les journalistes subissent des pressions politiques et souffrent de l’impunité des crimes commis à leur encontre.
Paysage médiatique
Avec plus de 2 500 médias enregistrés dans le pays, le marché est fortement fragmenté. Parmi les organes les plus influents figurent le radiodiffuseur public RTS et la télévision indépendante N1, ainsi que plusieurs tabloïds. Les articles d’investigation primés ne touchent qu’un public limité, car ils ne sont diffusés qu’en ligne ou dans quelques médias indépendants. Interdite par l’Union européenne dans le cadre des sanctions imposées en réponse à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la chaîne TV de propagande russe RT (anciennement Russia Today) a annoncé, en novembre 2022, qu'elle lançait une filiale en langue serbe appelée RT Balkan.
Contexte politique
Dans un climat politique fortement polarisé, les journalistes sont régulièrement la cible d’attaques de la part des membres de l’élite dirigeante et amplifiées par certaines chaînes TV à fréquences nationales. Ni les politiques ni les institutions, parmi lesquelles l’autorité de régulation des médias (REM), composée principalement de membres nommés par le gouvernement, n’ont jusqu’à présent exprimé la volonté de remédier à cette situation. En outre, les journalistes critiques du pouvoir ont un accès restreint aux interviews de ses représentants et aux informations d’ordre public.
Cadre légal
Alors que la Serbie dispose de l’une des législations les plus avancées dans le domaine des médias et que la Constitution garantit la liberté d’expression, les journalistes évoluent dans un environnement souvent contraignant, dont fait partie l’autocensure. Des régulations prescrites au ministère public et à la police en termes de réaction aux attaques contre les journalistes ont donné des résultats positifs dans des cas spécifiques. Toutefois, le système judiciaire, qui traite de nombreuses questions liées aux médias, dont les procédures-bâillons (SLAPPs), a encore ses preuves à faire en matière d’indépendance et d’efficacité pour protéger la liberté de la presse.
Contexte économique
La majorité des médias tirent leurs revenus de la publicité et de subventions publiques opaques – deux sources dont l’accès est largement contrôlé par l’élite dirigeante et soumis à la partialité des publications. La concentration des médias constitue une nouvelle préoccupation, l’entreprise publique Telekom Srbija et l’entreprise privée SBB se livrant bataille dans les domaines de l’accès, de la programmation et des utilisateurs.
Contexte socioculturel
En Serbie, les journalistes femmes sont toujours la cible d’attaques à la fois pour leur travail et leur genre. Les groupes d’extrême droite s’en prennent à la presse qui traite les sujets des migrants et des réfugiés sous un jour favorable.
Sécurité
Alors que des efforts ont été accomplis pour améliorer la sécurité des journalistes et lutter contre l’impunité des crimes à leur encontre à travers la création de deux groupes de travail et d’un numéro d’urgence à l’intention des médias, les journalistes serbes sont loin de se sentir protégés - un constat renforcé par le fait que de nombreuses attaques restent non résolues, comme l’assassinat, en 1999, de Slavko Ćuruvija.