Alors que la Pologne offre un paysage médiatique varié, la conscience publique de la liberté de la presse demeure encore faible. Après avoir fait des médias publics des instruments de propagande, le gouvernement a multiplié les tentatives d’influencer la ligne éditoriale des médias privés et de contrôler les informations sur les sujets sensibles.
Paysage médiatique
Aux côtés d’un marché privé relativement pluraliste, avec des médias indépendants comme la chaîne TVN, le quotidien Gazeta Wyborcza ou le site Onet.pl, les médias publics, et notamment le groupe TV TVP, sont devenus des instruments de propagande gouvernementale. La société pétrolière Orlen, contrôlée par l’État, a acquis 20 des 24 journaux régionaux – qui constituent une concurrence féroce pour les médias privés locaux, tout comme les “journaux locaux gouvernementaux” publiés depuis des années grâce à l’argent public.
Contexte politique
La “re-polonisation” des médias annoncée par le gouvernement apparaît dans le rachat de la presse régionale auprès de son propriétaire allemand par Orlen. Depuis, la société emploie des équipes qui soutiennent le gouvernement. La coalition au pouvoir a également tenté de persuader le propriétaire américain détenteur de la part majoritaire de TVN de vendre. Les politiques du gouvernement et leur entourage lancent régulièrement des attaques verbales et des procédures-bâillons (SLAPPs) contre les journalistes critiques.
Cadre légal
Bien que la Constitution garantisse la liberté de la presse et le droit à l’information, le gouvernement a tenté de les restreindre grâce à une législation spécifique. Ainsi, de septembre 2021 à fin 2022, les journalistes ne pouvaient pas circuler et travailler librement à la frontière avec le Bélarus, où des douzaines d’immigrants au moins, sur les centaines qui tentaient d’entrer en Pologne, ont péri. Le régulateur d’État tente de contrer les conclusions et les opinions des journalistes en utilisant le recours juridique de la protection de la “raison d’État”. De même, alors que la confidentialité des sources est inscrite dans la loi, les autorités ont tenté, dans certains cas, d’y porter atteinte. “Insulter” certaines institutions reste passible d’une peine de prison.
Contexte économique
Tandis que la radiodiffusion publique est financée par l’État, les médias privés comptent sur des modèles d’abonnements grâce à la taille relativement importante du marché polonais. Ils ont fait face à une tentative avortée d’affaiblissement à travers une taxe spéciale visant leurs revenus publicitaires. La publicité publique est essentiellement attribuée aux médias progouvernementaux, et ce en toute opacité, et les “journaux gouvernementaux locaux” publiés grâce à l’argent public font souvent concurrence à la presse indépendante dans la vente de publicité.
Contexte socioculturel
La polarisation croissante de la société a entraîné une augmentation des attaques verbales contre les journalistes. Les citoyens conservateurs tentent de les décourager de couvrir les sujets LGBT+ ou liés au genre, et le blasphème reste passible d’emprisonnement. Les médias indépendants bénéficient néanmoins d’un grand soutien d’une partie importante de la population, qui a protesté, par exemple, contre la loi visant TVN.
Sécurité
Après un pic en 2020 lors de la “grève des femmes”, le niveau de violence – de la part de la police, mais aussi des groupes extrémistes opposés à ce mouvement – a diminué. Les attaques contre les journalistes ont cependant montré que les autorités chargées de faire respecter la loi ne peuvent ni les protéger efficacement ni garantir leurs droits lors des manifestations. En 2021, elles ont même empêché délibérément les journalistes de couvrir la crise des réfugiés près de la frontière avec le Bélarus, par des arrestations aussi arbitraires que violentes.