Tunisie : RSF dénonce les conditions carcérales déplorables du journaliste Khalifa Guesmi et appelle à sa libération
Condamné à cinq ans de prison ferme pour avoir refusé de révéler ses sources dans le cadre d’une enquête antiterroriste, le journaliste tunisien Khalifa Guesmi est affaibli, et affirme subir des mauvais traitements depuis son incarcération. Reporters sans frontières (RSF) dénonce des conditions carcérales indignes et appelle à sa libération.
Le reporter de la radio privée Mosaïque FM, Khalifa Guesmi, ancien reporter du quotidien Al Chourouk et des chaînes de télévision Attessia TV et Carthage+ est devenu le triste symbole de la répression de la liberté de la presse en Tunisie. Celui qui s’est distingué par ses enquêtes sur les enjeux sécuritaires du pays a écopé, le 16 mai 2023, de la peine d’emprisonnement la plus lourde jamais prononcée contre un journaliste en Tunisie : cinq ans de prison ferme.
Depuis son incarcération le 3 septembre dernier à la prison de Mornaguia, au sud-ouest de la capitale Tunis, le journaliste de 48 ans est, selon les informations recueillies par RSF, victime de mauvais traitements. Agressé verbalement par des gardiens, il est aussi contraint de partager son lit avec deux à trois autres détenus, dans des cellules de plusieurs dizaines de personnes. Il subit également d’autres formes insidieuses de mesures vexatoires du quotiden et est sommé par exemple d’attendre des heures avant de pouvoir voir sa femme lors de sa visite hebdomadaire au parloir.
“Khalifa est un vrai journaliste, qui n’a fait que son travail selon les principes du journalisme. Sa place n’est pas en prison, mais avec sa famille et sur son lieu de travail”, a d’ailleurs rappelé l’épouse du journaliste le 10 décembre dernier, lors d’une conférence de presse organisée à l’occasion de la Journée des droits de l’homme.
Si l’un de ses avocats, Mohamed Ali Bouchiba, fait état d’“améliorations très minimes” des conditions carcérales du journaliste depuis début décembre, celles-ci restent inacceptables. “Au lieu d’être dans une cellule avec 100 détenus, il est dans une cellule avec 20 détenus. Ils appellent cela une amélioration !”, s’indigne l’avocat qui s’inquiète de la fatigue et du moral très affaibli de Khalifa Guesmi. “Il n’accepte pas le fait d’être en prison pour une affaire antiterroriste alors qu’il n’a fait que son travail de journaliste en toute indépendance. Khalifa Guesmi est victime d’une terrible injustice, [...] cette situation ne peut plus durer”.
“À l’injustice du verdict prononcé par la Cour d’appel de Tunis, s’ajoutent désormais des insultes et des mesures vexatoires en prison. RSF prend acte d’une amélioration minime mais encore insuffisante de ses conditions carcérales et réitère son soutien au journaliste, dont le travail, fondé sur l’éthique du métier, ne justifie pas son emprisonnement. Les mesures vexatoires contre ce professionnel de l’information doivent cesser, mais surtout il doit être libéré.
Les autorités tunisiennes reprochent à Khalifa Guesmi d’avoir publié sur le site de Mosaïque FM un article sur le démantèlement d’une cellule terroriste dans la ville de Kairouan, à 150 km au sud-ouest de Tunis. S’il a été condamné pour “divulgation d’informations en violation des dispositions de la loi antiterroriste et du Code pénal”, ses avocats ont démontré l’inanité de ces accusations et l’acharnement des autorités sur le journaliste parce qu’il a purement et simplement refusé de révéler ses sources.
Le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) considère cet acharnement comme “un message politique qui exprime clairement le passage à la vitesse supérieure en matière de répression de la presse et des journalistes, dans une tentative de les soumettre en utilisant l’appareil judiciaire”.
La Tunisie occupe la 121e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2023 par RSF.