Haut-Karabakh : après 3 mois de blocus, RSF appelle l’Azerbaïdjan et les forces russes de maintien de la paix à laisser passer les journalistes

Ce dimanche 12 mars marque trois mois de blocus du corridor de Latchine reliant l’Arménie à la région séparatiste du Haut-Karabakh en Azerbaïdjan. RSF exhorte les autorités azerbaïdjanaises et les forces de maintien de la paix russes à assurer la libre circulation des journalistes qui souhaitent couvrir le blocus et ses graves conséquences humanitaires.

La région du Haut-Karabakh, enclave séparatiste de l’Azerbaïdjan peuplée d’Arméniens devient un trou noir de l’information. Depuis trois mois, de prétendus militants écologistes azerbaïdjanais bloquent la seule route reliant cette enclave à l’Arménie, empêchant toute circulation et provoquant une grave crise humanitaire. Seuls des journalistes azerbaïdjanais de médias d’État ou pro-gouvernementaux peuvent couvrir les “manifestations” qui se déroulent sur le corridor de Latchine.  Les rares médias locaux indépendants, eux, n’ont pas l’autorisation de passer les checkpoints. 



Les quelques journalistes internationaux escortés jusqu’au point de blocage ne peuvent pas exercer librement sur place. Lors de son séjour en Azerbaïdjan fin février, le reporter du quotidien espagnol El Periódico de España David López Frías a passé une soirée sur la route de Latchine pour un reportage, encadré par des “guides” du groupe de médias publics azerbaïdjanais Global Media Group. Ceux-ci lui ont permis sans problème d’interviewer les manifestants, mais lui ont défendu d’échanger avec les soldats russes de maintien de la paix. Impossible non plus d’accéder à la population arménienne, située après les checkpoints russes. Au-delà de ces restrictions, l’agence de presse d’Etat Azertac a publié une interview délibérément erronée du journaliste espagnol, dans plusieurs langues, rapportant soi-disant ses propos : “Les véhicules passent ici sans encombre. On voit juste que les gens manifestent pour protéger la nature.” Contacté par RSF, le journaliste s’insurge : “J’ai dit totalement l’inverse. J’ai clairement vu un blocus.”

“Ce mensonge éhonté de médias à la botte du pouvoir prouve une fois encore la volonté des autorités azerbaïdjanaises de manipuler l’opinion publique locale et internationale, s’indigne la responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF, Jeanne Cavelier. Non seulement elles violent l’accord de cessez-le-feu négocié en 2020 en soutenant ces “écoactivistes”, mais elles empêchent toute couverture honnête du blocus du corridor de Latchine et de ses terribles répercussions humanitaires. RSF rappelle Bakou et les forces de maintien de la paix russes à leurs engagements internationaux et les exhorte à rétablir un accès libre de la région aux journalistes.

Jeanne Cavelier
Responsable du bureau Europe de l'Est et Asie centrale

Côté arménien, sans accès au corridor ni à la région, les médias indépendants s’appuient sur les images des médias d’Etat azerbaïdjanais, celles de la chaîne locale du Haut-Karabakh et des témoignages des habitants parfois difficiles à vérifier. Rares sont les rédactions disposant d’un correspondant sur place et seul le site d’information indépendant Civilnet dispose à Stepanakert d’un bureau, avec quatre journalistes.

A l’inverse, les journalistes azerbaïdjanais souhaitant se rendre dans la République autonome du Nakhitchevan, située au sud-ouest du territoire arménien, sont contraints de contourner l’Arménie via l’Iran ou d’y aller en avion. Aucun accord n’a été trouvé entre les deux parties depuis le cessez-le-feu de 2020 pour ouvrir un couloir reliant directement cette région à l’Azerbaïdjan.

Les difficultés de déplacement pour les journalistes ne sont pas nouvelles dans la zone qui a connu un violent conflit en septembre 2020 et où les escarmouches mortelles demeurent monnaie courante. Le blocage total du corridor de Latchine par des “écoactivistes” azéris protestant contre l’exploitation d’une mine d’or date du 12 décembre 2022. De nombreuses enquêtes ont depuis prouvé l’implication totale de Bakou dans ce blocus. La responsabilité du régime d’Ilham Aliev a été dénoncée par plusieurs acteurs internationaux, alors que la Cour Internationale de Justice a ordonné à l’Azerbaïdjan de libérer le passage. Seuls les convois humanitaires de la Croix-Rouge parviennent aujourd’hui à franchir le corridor.

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