France : RSF demande que la loi de programmation des finances publiques protège l’audiovisuel public des pressions politiques

Inquiet de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, Reporters sans frontières (RSF) demande aux parlementaires d’inscrire dans la loi de programmation des finances publiques une trajectoire pluriannuelle de financement des médias publics. Celle-ci devra faire l’objet d’une veille de la part d’une autorité indépendante et dédiée. 

 Le 7 juillet dernier, le Conseil des ministres a adopté un projet de loi de finances rectificative pour 2022 qui supprime dès cette année la contribution à l’audiovisuel public (CAP, anciennement la redevance). La CAP, qui s'élève actuellement en métropole à 138 euros par foyer disposant d’un téléviseur, rapporte plus de 3 milliards d’euros par an aux médias publics français. 

Le texte adopté par le gouvernement prévoit le remplacement de la CAP par des crédits alloués aux médias publics directement depuis le budget de l’État, sous forme d’“une mission budgétaire ad hoc”. Or, le projet de loi qui fera l’objet de l'examen par l’Assemblée nationale cette semaine ne prévoit pas de mesures concrètes pour garantir la pluriannualité du financement et sa protection contre d’éventuelles pressions politiques. Si cette proposition restait en l’état, le financement des médias publics serait vulnérable aux tractations politiques annuelles et aux réductions budgétaires potentielles au profit d'autres priorités du gouvernement. 

“Les députés doivent intégrer dans la législation de solides garanties de financement des médias publics reposant sur les principes de pérennité et d'indépendance, déclare le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. L'audiovisuel public joue un rôle irremplaçable au moment où l’accès à l’information fiable, indépendante et pluraliste est menacé autant par les intérêts de certains propriétaires de médias privés que par la prolifération de la désinformation sur les réseaux sociaux. Le financement des médias publics doit pouvoir s'inscrire dans la durée pour assurer leur liberté éditoriale. Sinon, notre démocratie en paiera le prix.” 

RSF demande aux parlementaires que la prochaine loi de programmation des finances publiques sécurise la prévisibilité du financement des médias publics, en faisant référence à la valeur constitutionnelle du pluralisme et de l’indépendance des médias, conformément à la décision du Conseil constitutionnel de 2009 sur l’audiovisuel public. L’audiovisuel public doit également être exemptés de régulation infra-annuelle. Une exonération inscrite dans la loi organique relative aux lois de finances qui permettrait d'éviter leur diminution au cours de l’année.

Alors que le financement de l’audiovisuel public dépendra du parlement en raison de sa prérogative budgétaire, RSF demande la mise en place d’un organe indépendant qui aurait la compétence d’émettre un avis à la fois sur le montant annuel prévu en projet de loi de finances et sur la trajectoire pluriannuelle du financement des médias publics. Cette instance devra être composée d’experts indépendants et reconnus. Cette proposition rejoint celles formulées récemment, d’une part, par les inspections générales des finances et des affaires culturelles et, d’autre part, par le Sénat le 8 juin dernier. Le rapport des sénateurs Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet préconise en effet la création d’une “Autorité supérieure de l’audiovisuel public” (ASAP) composée d’un magistrat de la Cour des comptes - qui en assurerait la présidence - et de quatre experts qualifiés, tous élus par le Parlement. Comme le constatent les sénateurs, “la proposition de l’ASAP n’engagerait ni le Gouvernement ni le Parlement mais elle obligerait l’un et l’autre à donner des explications dans le cas où la préconisation ne serait pas suivie.”

La France figure à la 26e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022.  

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