Sri Lanka : violente attaque à l’arme à feu au domicile du journaliste Chamuditha Samarawickrama

Chamuditha Samarawickrama, célèbre journaliste de télévision srilankais, a vu son domicile pris d’assaut par un commando armé, après avoir reçu des menaces de mort en lien avec son travail. Reporters sans frontières (RSF) exige qu’une enquête indépendante identifie les responsables de cette expédition punitive et demande aux autorités de cesser toute forme de harcèlement envers la profession.

Un grand bruit l’a tiré du sommeil vers 2h10, dans la nuit du lundi 14 février. Le journaliste de la chaîne Hiru TV Chamuditha Samarawickrama a alors entendu des coups de feu, avant de découvrir plusieurs vitres de son logement brisées et des traces d’excréments lancés contre les murs.

 

Les enregistrements de vidéosurveillance montrent que ce sont au moins quatre hommes qui ont pris d’assaut la maison du journaliste, située à Piliyandala, en banlieue sud de Colombo, la capitale du Sri Lanka. Masqués, les agresseurs ont braqué une arme sur la tempe du gardien de la résidence pour pénétrer les lieux, avant de repartir dans une camionnette blanche.

 

Si les causes de cette attaque n’ont pas été établies par la police, le journaliste a signalé avoir reçu récemment plusieurs menaces de mort sur son téléphone, en lien avec son travail.

 

Présentateur des émissions “Salakuna" et "Patthare wisthare", Chamuditha Samarawickrama anime aussi des interviews sur sa chaîne en ligne Truth with Chamuditha. Il y a récemment reçu le témoignage d’un ancien policier, aujourd'hui exilé au Royaume-Uni, qui dénonçait les méthodes du clan Rajapaksa, dont l’un des membres, Gotabaya, est aujourd’hui président de la république srilankaise.

 

Un rappel des pires heures de la répression

 

Gotabaya est aussi connu comme le chef du “gang des camionnettes blanches”, en référence aux véhicules, en tout point similaires à celle utilisée dans l’expédition punitive de lundi dernier, dans lesquels au moins 14 journalistes ont été enlevés pour être exécutés, entre 2005 et 2015, sous la présidence d'un autre membre du clan, Mahinda Rajapaksa.

 

“Le modus operandi de l’attaque qui a visé Chamuditha Samarawickrama rappelle les pires heures de la répression qui a visé les journalistes srilankais, déclare le responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard. Il convient d'identifier et de juger les exécutants comme les commanditaires de cette inacceptable opération d’intimidation. Surtout, nous appelons les autorités de Colombo à cesser toute forme de harcèlement à l’encontre des journalistes du pays.”

 

L’attaque contre Chamuditha Samarawickrama a suscité une vague d’indignation dans les médias grand public qui s’adressent à la majorité cinghalaise du Sri Lanka qui peuple le sud de l’île. Or, les journalistes qui travaillent dans les zones du nord et de l’est du pays, où vivent les minorités tamoules et/ou musulmanes, sont également la cible de politiques constantes de harcèlements physiques et judiciaires de la part des autorités. 

 

Haro sur les sources

 

C’est le cas, par exemple, de Punniyamoorthy Sasikaran, journaliste et trésorier du Club de la presse de Batticaloa, une ville de l’est de l’île. Le 4 février dernier, il a reçu un ordre d’assignation à résidence émis par un tribunal local afin de l’empêcher de couvrir une pseudo-manifestation qui, de fait, n’a jamais eu lieu. Depuis l’été dernier, ce même journaliste a été convoqué à plusieurs reprises par des agents de police judiciaire, qui lui ont notamment demandé de révéler ses sources.

 

En juillet 2021, un autre journaliste issu de la minorité tamoule, Selvakumar Nilanthan, a dû répondre à une convocation de la division d'enquête antiterroriste de Batticaloa : les policiers ont exigé du journaliste qu’il leur révèle les codes secrets permettant d’accéder à ses services de messageries et à ses comptes bancaires.

 

Il y a un an, RSF avait révélé le maintien en détention du reporter indépendant Murugupillai Kokulathasan. Il avait été arrêté dans le plus grand secret en novembre 2020, déjà par la police de Batticaloa, au motif de la loi sur la prévention du terrorisme.

  

Le Sri Lanka occupe la 127e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.

Publié le
Mise à jour le 17.02.2022