RSF réclame le retrait de la notice rouge d'Interpol à l’encontre du journaliste français Daniel Lainé

Reporters sans frontières regrette la condamnation à 7 ans de prison à l’encontre du journaliste français Daniel Lainé, prononcée le 29 janvier par le tribunal de Phnom Penh. Réalisateur de documentaires, Daniel Lainé a été condamné pour “proxénétisme” après avoir mené une enquête sur la prostitution et les trafics humains au Cambodge. Suite à cette décision, Interpol a émis une “notice rouge” à la demande de Phnom Penh, qui empêche de fait le journaliste de continuer ses activités de reportage à l’étranger. “Cette affaire judiciaire a toutes les caractéristiques d’une machination. Les charges retenues contre Daniel Lainé se fondent sur le témoignage écrit d'une personne qui ne s'est jamais présentée aux audiences. Le procès à l’issue duquel le journaliste a été condamné s’est déroulé dans le plus grand secret. La condamnation elle-même est déconnectée des faits qui sont reprochés au journaliste : filmer une prostituée à son insu n’a jamais constitué un acte de ‘proxénétisme’ ”, a déclaré Reporters sans frontières. “Daniel Lainé a été condamné à l’issue d’un procès expéditif, en violation totale des droits de la défense et des standards internationaux. A ce titre, nous demandons l’annulation de la condamnation prononcée par le tribunal de Phnom Penh”, a ajouté l’organisation. “Nous réclamons le retrait immédiat de la notice rouge émise par Interpol à son encontre. Comment se fait il que sur la seule base d’une condamnation prononcée en violation des droits de la défense, par un appareil judiciaire réputé à la solde du pouvoir, une organisation internationale de police réponde favorablement à la demande de Phnom Penh et empêche un journaliste de poursuivre ses activités de reporter à l’étranger en lui faisant courir le risque d’une nouvelle arrestation dès sa sortie du territoire français ? ”, a demandé Reporters sans frontières. Daniel Lainé, lauréat en 1991 du World Press Photo et réalisateur pour Tony Comiti Productions, a été condamné in absentia à 7 ans de prison pour “proxénétisme”, alors que les seuls faits qui lui sont reprochés sont d’ ”avoir filmé à son insu une prostituée”. Le tribunal municipal de Phnom Penh maintient ainsi le verdict prononcé lors d’un premier procès, qui s’était déroulé sans que le journaliste ni ses avocats en soient informés, en 2010. Le journaliste récuse cette accusation que ses avocats lient à un reportage réalisé en 2003 pour la chaîne de télévision française TF1, qui dénonçait la prostitution, le tourisme sexuel et le trafic de femmes au Cambodge. La justice cambodgienne avait initialement été saisie, en 2003, par un ressortissant français qui, après avoir consenti à témoigner à visage couvert dans le reportage, aurait été reconnu par sa famille en France. A sa demande, Daniel Lainé avait été convoqué par le ministère de l’Intérieur à son retour au Cambodge, l’année suivante, puis contraint de signer un document l’engageant à verser 125 000 dollars de réparation de préjudice à ce dernier, sous peine de ne pouvoir quitter le pays. Lors d’un nouveau séjour au Cambodge, en 2006, son passeport avait été confisqué, poussant le journaliste à fuir le pays par voie terrestre pour se réfugier en Thaïlande. Après avoir condamné le journaliste en 2010, le tribunal municipal de Phnom Penh a alors saisi Interpol. Ses avocats, Kong Sam Onn et Clémence Witt, dénoncent “l’immense préjudice causé par la “notice rouge” d’Interpol. “Cette notice a été émise sur le seul fondement d’une condamnation exclusivement motivée par ses activités de journaliste”. Les avocats ont annoncé former “immédiatement appel à l’encontre de cette décision injuste”. De nombreux journalistes français ont apporté leur soutien à Daniel Lainé, insistant sur les risques que les reporters d’image, à l’instar de leur confrère en 2002, encourent en traitant des sujets sensibles. Benoit Gysembergh, grand reporter à Paris Match explique que “Daniel Lainé, comme la plupart des reporters d’image, travaille souvent avec des interlocuteurs peu fiables, mythomanes, voire dangereux.” Les cas de harcèlement à l’encontre des médias étrangers ne sont pas rares au Cambodge, qui figure à la 143ème place du classement mondial de la liberté de la presse en 2013, établi par Reporters sans frontières, une baisse de 23 places par rapport à l’année 2012. En octobre dernier, des pressions ont été exercées sur les représentants des radios américaines Radio Free Asia (RFA) et Voice of America (VOA) suite à leur couverture de deux importantes affaires récentes : la mort de l’activiste écologiste et fixeur Chut Wutty, et la condamnation du journaliste Mam Sonando à 20 ans de prison.
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Updated on 20.01.2016