RSF demande la libération de douze reporters d’images et blogueurs au Bahreïn

Douze acteurs de l’information sont actuellement incarcérés au Bahreïn. Les photographes et cameramen constituent, depuis 2011, une des cibles privilégiées des autorités du Bahreïn. Leurs clichés et vidéos sur les manifestations et la répression conduite par les forces de l’ordre pourraient en effet ternir l’image du Royaume.

Alors que la cour d’appel de Manama s’apprête à rendre, le 25 août prochain, son verdict dans le procès du photographe de renommée internationale Ahmed Humeidan, Reporters sans frontières dresse la liste des douze acteurs de l’information actuellement détenus au Bahreïn. Le plus jeune a 15 ans. Huit sont des ‘preneurs d’images’, quatre sont des militants de la Toile. Sur ces douze acteurs de l’information, huit ont été condamnés à des peines allant de trois mois de prison ferme à la prison à vie. L’organisation demande leur libération immédiate et la levée des charges qui pèsent contre eux. En arrêtant arbitrairement des acteurs de l’information, ainsi que les acteurs pacifiques de la société civile, les autorités bahreïnies cherchent à museler les voix dissidentes dans le Royaume. Reporters sans frontières rappelle que le Bahreïn figure à la 163e place sur 180 pays du Classement 2014 de la liberté de la presse.

8 reporters d’images

Ammar Abdel Rasoul Ali, arrêté le 24 juillet 2014
Firas Al-Saffar (mineur), arrêté le 1er juin 2014
Sayed Ahmed Al-Mousawi, arrêté le 10 février 2014
Mansoor Al-Jamri, arrêté le 9 janvier 2014 et condamné à six mois de prison le 17 octobre 2012
Jaffar Marhoon, arrêté le 26 décembre 2013, condamné à 3 mois, 6 mois et 1 and de prison ferme
Qassim Zain AlDeen, arrêté le 2 août 2013 et condamné à six mois de prison le 15 janvier 2014, en attente de son nouveau procès
Hussain Hubail, arrêté le 31 juillet 2013 et condamné à 5 ans de prison le 28 avril 2014
Ahmed Humeidan, arrêté le 29 décembre 2012 et condamné à dix ans de prison le 26 mars 2014
* Le photographe freelance Ammar Abdel Rasoul Ali, lauréat de nombreux prix, notamment celui d’IPA International Digital Photography Competition pour l’année 2014, a été arrêté le 24 juillet 2014, par des agents en civil des forces de sécurité, à son domicile dans le village d’Eker, à l’issue de la perquisition de son appartement. D’après les informations recueillies, deux appareils photos professionnels lui auraient été confisqués, ainsi que son téléphone portable. Interrogé à la Direction générale des enquêtes criminelles (Criminal Investigation Directorate, CID) pendant 72 heures, il a déclaré à son épouse avoir été menacé, insulté et torturé. Il a ajouté que les questions qui lui avaient été posées portaient sur ses activités de photographe. D’après son avocat, Me Saeed Sarhan, le journaliste serait officiellement poursuivi pour “attaque contre les forces de sécurité” et “participation à un rassemblement illégal”, accusations qu’il nie. Le photographe est actuellement détenu à la prison de Dry Dock. Sa détention provisoire a été fixée à 45 jours “pour les besoins de l’enquête”. * Firas Al-Saffar, 15 ans, est en détention depuis plus de deux mois. Arrêté le 1er juin 2014 avant d’aller à l’école, il a été conduit au commissariat d’Al-Hura à Manama. D’après les informations recueillies, il serait poursuivi pour avoir filmé des rassemblements non autorisés. Le 17 juillet dernier, un tribunal a décidé de son maintien en détention provisoire pour 45 jours supplémentaires. * Sayed Ahmed Al-Mousawi, photographe freelance, lauréat de nombreux prix internationaux, a été arrêté le 10 février 2014. Il est poursuivi pour avoir donné des cartes SIM à des manifestants et avoir pris des photos des rassemblements. Le 27 juillet dernier sa détention a été de nouveau prolongée, pour 45 jours cette fois. ّPendant sa période de détention, il s’est vu décerner plusieurs prix internationaux pour son travail de photographe. * Mansoor Al-Jamri, activiste sur les réseaux sociaux qui documente en images les événements dans son village de Bani Jamra, a été arrêté le 9 janvier 2014 et transféré pour interrogatoire au CID, avant d’être transféré au centre de détention de Dry Dock. Il a été condamné à six mois de prison ferme pour “rassemblement illégal” (jugement le 17 octobre 2012). Transféré à la prison de Jaw, il devrait être libéré le 2 septembre prochain. Toutefois, il reste poursuivi pour “attaque contre les forces de sécurité” et “hébergement d’une personne recherchée”. Mansoor Al-Jamri n’a pas été autorisé à assister aux funérailles de sa grand-mère, décédée début août 2014. * Jaffar Marhoon, cameraman de 25 ans, a été arrêté le 26 décembre 2013 dans un salon de coiffure. Après avoir été interrogé pendant trois jours au CID, il a été transféré au centre de détention de Dry Dock. ّTrois condamnations ont été prononcées à son encontre avant son arrestation : trois et six mois pour participation à un rassemblement illégal, et un an de prison ferme pour rassemblement illégal et vandalisme. Accusé également d’être impliqué dans un “attentat à la bombe artisanale” le 17 décembre 2013 à Dimistan, il a vu, le 20 août, sa détention - pour cette affaire - prolongée de 45 jours. * En décembre 2013, Qassim Zain Al-Deen, cameraman freelance interpellé à son domicile le 2 août 2013, a été condamné à trois mois de prison pour “participation à un rassemblement illégal”. Le 15 janvier 2014, il a été condamné à six mois de prison supplémentaires pour “participation à un rassemblement illégal” et “vandalisme”. Il est aujourd’hui poursuivi pour “vandalisme à l’intérieur de la prison” pour des faits qui se sont produits le 16 août 2013 dans la prison de Dry Dock. La prochaine audience a été fixée au 24 septembre prochain. Le cas de ce journaliste a été mentioné, le 15 décembre 2013, par dix organisations de défense des droits humains, parmi lesquelles RSF, dans le courrier adressé au Rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’expression et le Rapporteur spécial sur la torture sur l’arrestation et la détention d’acteurs de l’information bahreïnis. * Photographe freelance collaborant avec de nombreux médias, parmi lesquels l’Agence France-Presse et Voice of America, Hussain Hubail a été condamné, le 28 avril 2014, à une peine de cinq ans de prison ferme. Il avait été arrêté le 31 juillet 2013, à l’aéroport de Manama, en partance pour l’étranger, pour être interrogé pendant quatre jours au CID sans pouvoir contacter son avocat ni sa famille. Il a ensuite été transféré à la prison d’El-Hod El-Gaf (Dry Dock). Photographe de renom, il s’est vu décerner, en mai 2013, le prix du journal indépendant Al-Wasat pour une photo de manifestants pris dans un nuage de gaz lacrymogènes. Le 21 août 2013, il a finalement été accusé “d’appartenir au réseau des médias du 14 Février”, “d’appeler et de participer à des manifestations illégales”, “d’inciter à la haine contre le régime”, et “d’entretenir des relations avec des opposants bahreinis en exil”. En détention, Hussain Hubail a déclaré avoir été victime de mauvais traitements et d’actes de torture. Allégations qui n’ont fait l’objet d’aucune enquête indépendante de la part des autorités bahreïnies. Suite au recours introduit par Hussain Hubail, des audiences devant la cour d’appel se sont tenues les 22 juin et 20 août 2014. La prochaine a été fixée au 21 septembre prochain. Le 15 décembre 2013, dix organisations de défense des droits humains, parmi lesquelles RSF, saisissent Rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’expression et le Rapporteur spécial sur la torture sur l’arrestation et la détention d’acteurs de l’information bahreïnis, dont Hussain Hubail. Les organisations ont renouvelé leur appel en juin dernier, à l’occasion de la 26e session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Souffrant de problèmes respiratoires et de douleurs dans la poitrine, Hussain Hubail a été hospitalisé quelques jours mi-mars à l’hôpital Salmaniya. Transféré fin avril à la prison de Jaw après sa condamnation, il n’a pas reçu de traitement médical approprié. Le 11 août 2014, sa famille a lancé une campagne #SaveHussain, pour demander un réel accès à des soins. Une vidéo a été réalisée.
* Photographe de renommée internationale, incarcéré depuis le 29 décembre 2012, Ahmed Humeidan, âgé de 26 ans, a été condamné, le 26 mars 2014, à dix ans de prison ferme. Il est officiellement poursuivi pour avoir attaqué le commissariat de police de Sitra le 8 avril 2012. La cour d’appel devrait rendre son verdict le 25 août prochain. Ahmed Humeidan a déclaré à sa famille et à son avocat avoir été victime de tortures psychologiques et de menaces de mort depuis son arrestation. Son avocat a demandé à plusieurs reprises l’ouverture d’une enquête indépendante sur les déclarations de son client, et exhorté les autorités pénitentiaires à autoriser un médecin à examiner son état de santé. Le 30 juillet dernier, il s’est vu décerné le prix pour la liberté de la presse 2014 du National Press Club à Washington.

4 militants de la Toile


Takrooz, arrêté le 17 juin 2014
Ali Al-Mearaj, arrêté le 6 janvier 2014 et condamné à deux ans et demi de prison le 8 avril 2014
Jassim Al-Nuaimi, arrêté le 31 juillet 2013 et condamné à 5 ans de prison le 28 avril 2014
Abdeljalil Al-Singace, arrêté en mars 2011 et condamné à la prison à vie, le 4 septembre 2012

* Le blogueur Takrooz, arrêté le 17 juin 2014 à l’aéroport de Manama, a vu le 31 juillet dernier sa détention provisoire prolongée de 45 jours. Il est accusé d’“incitation à la haine contre le régime” et d’“utilisation d’expressions incitant au sectarisme” via Twitter, Instagram et YouTube. En cause ? Un compte twitter dont le blogueur nie être le détenteur et l’utilisateur. Il a toutefois reconnu être le propriétaire de l’adresse mail à partir de laquelle le compte incriminé a été enregistré. * Le blogueur Ali Al-Mearaj, 36 ans, arrêté le 6 janvier 2014, a été condamné le 8 avril 2014 à deux ans et demi de prison ferme pour “mauvaises manipulations des technologies de l’information” et “insultes au roi” pour l’administration d’un site de l’opposition. L’audience en appel qui devait avoir lieu le 5 mai a été reportée à quatre reprises depuis (13 mai, 14 juin, 10 juillet). La prochaine audience a été fixée au 3 septembre. * Jassim Al-Nuaimi, cyberactiviste, a été arrêté à son domicile le 31 juillet 2013 par des agents des forces de sécurité en civil et masqués. Il est accusé d’avoir utilisé les réseaux sociaux pour “inciter à la haine contre le régime” et “appeler à des rassemblements illégaux”. Le 3 août 2013, il a été transféré à la prison de Dry Dock, avant d’être présenté à un procureur. Il déclare avoir été contraint de signer des aveux forcés et avoir été victime de mauvais traitements et d’actes de torture. Au cours de l’audience du 27 janvier dernier, il a déclaré qu’il n’était pas au Bahreïn au moment des faits qui lui sont reprochés. Il a ajouté avoir vendu son ordinateur avant les faits, et ainsi ne pas pouvoir être à l’origine des messages incriminés. Condamné le 28 avril 2014 à cinq ans de prison ferme, Jassim Al-Nuaimi a fait appel. Des audiences devant la cour d’appel se sont tenues les 22 juin et 20 août 2014. La prochaine a été fixée au 21 septembre prochain. * Abduljalil Al-Singace, blogueur et membre du bureau des droits de l’homme du mouvement Al-Haq, a été arrêté en mars 2011. Il a été condamné à la prison à vie le 4 septembre 2012 par la Haute Cour d’appel, qui a confirmé la peine prononcée par un tribunal militaire, en juin 2011. Le 7 janvier 2013, la Cour de cassation a rejeté le recours introduit par Abduljalil Al-Singace et douze autres militants des droits de l’homme. Dans cette affaire, vingt-et-un co-accusés étaient poursuivis pour “appartenance à des organisations terroristes” et “tentatives de renversement du régime”.
Publié le
Mise à jour le 20.01.2016