RSF condamne le black out imposé aux médias du Cachemire indien

Depuis le 8 juillet 2016, les communications restent coupées au Cachemire indien après la mort d'un leader séparatiste, Burhan Wani, dans le sud de l'Etat. Reporters sans frontières (RSF) condamne le black-out médiatique et le harcèlement des journalistes locaux par les autorités locales. L'organisation demande au gouvernement indien de cesser d'invoquer la sécurité et l'ordre public pour justifier sa répression à l'encontre des médias.

Les manifestations et les échauffourées qui ont éclaté le 8 juillet ont fait au moins 44 victimes civiles et plus de 1.600 blessés, y compris des femmes et des enfants. “Désormais, les médias locaux, qui accomplissement leur devoir professionnel en couvrant la situation sur le terrain, font l'objet de graves attaques. Leur travail a énervé le gouvernement de l'État”, écrit un journaliste basé au Cachemire, Gowhar Geelani, dans un article pour le portail d'information dailyo.in .


Dans la nuit du 15 au 16 juillet, des membres des forces de police ont perquisitionné les rédactions de plusieurs journaux locaux dont notamment le Kashmir Times, Greater Kashmir, Kashmir Observer et Rising Kashmir. De nombreux exemplaires (plus de 50.000 dans le cas de Kashmir Uzma) de ces quotidiens ont été saisis lors de ces raids policiers nocturnes, qui ont également visé les imprimeries de plusieurs quotidiens.


Samedi à minuit, les autorités ont bâillonné le Greater Kashmir en perquisitionnant le siège social du journal à Rangreth en périphérie de la ville [Srinagar, capitale de l'état]. La police a arrêté le président de Greater Kashmir Printing Press, Biju Chaudary, et deux autres employés”, peut-on lire sur le site web du journal. L'imprimerie du quotidien a par la suite été fermée par les autorités. La police a également perquisitionné Rising Kashmir à Sheikhpora dans le quartier central de Budgam, et saisi ses exemplaires. La police a ensuite placé en garde à vue tous les employés, y compris le président Mohammad Yousuf et lui a demandé d'identifier le site de distribution du journal, où les policiers ont saisi le véhicule de distribution et arrêté son conducteur. Les employés ont été relâchés après avoir été “intimidés” par les autorités, rapport le site web de Rising Kashmir.


Le gouvernement de l'actuelle ministre en chef du Jammu-et-Cachemire, Mehbooba Mufti Sayeed, doit cesser de justifier ses violations flagrantes de la liberté de la presse au seul prétexte de la sécurité, déclare Benjamin Ismail, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières. Les médias ne sont pas à l'origine des troubles en cours et encore moins un vecteur de l'instabilité de la région. Ce n'est pas en supprimant la critique du gouvernement, qui trouvera toujours une façon de s'exprimer, que les autorités ramèneront la paix dans la région. Refuser de comprendre cette idée, c'est admettre qu'aucune véritable politique de restauration de la paix n'est en cours. Par ailleurs, le couvre-feu instauré ne doit pas affecter le travail de la presse.


“Etat d'urgence pour la presse”


Dans un effort d'empêcher toute information de circuler, le gouvernement a coupé l'accès à l'internet mobile le 16 juillet alors que le réseau de téléphonie privé avait déjà été bloqué dès le 14 dans toute la région. Les chaînes câblées de la vallée ont également été interdites. Dans la plupart du Cachemire, le câble et l'internet mobile sont interdits depuis le 9 juillet. Tous les services cellulaires, à l'exception de l'opérateur étatique Bharat Sanchar Nigam, ne fonctionnent plus.


En réaction, journalistes et propriétaires de médias ont organisé un sit-in à Srinagar le 16 juillet, condamnant fermement ce qu'ils appellent l'imposition d'un “état d'urgence pour la presse”. S'adressant à la presse locale, un porte-parole du gouvernement a déclaré que “compte tenu des appréhensions de sérieux problèmes dans la vallée du Cachemire dans les trois jours à venir, visant à troubler la paix, un couvre-feu strict sera imposée et les mouvements des employés de journaux ainsi que la distribution de ces derniers ne sera pas possible”.


En 2010 et 2013, les journaux basés dans la vallée avaient déjà été interdits de publication et s'étaient vus imposer des restrictions sévères de leur liberté mouvement. Des journaux avaient été saisis et ne pouvaient être distribués tandis que les professionnels des médias se voyaient refuser toute dérogation au couvre-feu.


L'Inde continue d'occuper le tiers inférieur (133e sur 180 pays) auClassement Mondial de la liberté de la presse 2016 publié par Reporters sans frontières, en raison du nombre élevé de journalistes tués en raison de leur activité et de l'impunité pour les crimes de violence contre les médias.

Publié le
Updated on 21.07.2016