Le volcan médiatique et son périlleux encadrement



La loi de communication voulue par le président Rafael Correa doit entrer dans un processus d’adoption définitive le 18 juin 2010, après sept mois de controverse à l’Assemblée nationale et au sein de la profession. C’est dans cette perspective que Reporters sans frontières a participé au forum “Journalisme en débat”, les 7 et 8 mai dernier à l’université San Francisco de Quito, organisé par le journaliste et enseignant Éric Samson, également correspondant de notre organisation en Équateur. Les entretiens menés dans le cadre, mais aussi en marge, de ces deux jours de discussions ont fourni matière au rapport que nous publions aujourd’hui.
Le panorama de la liberté de la presse en Équateur, à l’aune de la nouvelle loi, est à bien des égards représentatif du contexte régional latino-américain : haut degré de polarisation entre une jeune presse publique réputée proche du gouvernement et des médias privés opposants sinon d’opposition ; relation électrique entre ces derniers traditionnellement dominants et un nouveau gouvernement progressiste ; climat de “guerre médiatique” sans apparente volonté de trêve de part et d’autre. Si un tel contexte ne favorise pas a priori le consensus sur la future loi, celle-ci pourrait en même temps offrir une chance de le dépasser. Nous reconnaissons dans son principe à la future loi équatorienne une intention réelle de démocratiser l’espace médiatique. La plupart des intervenants rencontrés, quelle que soit leur tendance politique, admettent la nécessité d’une régulation nouvelle et adaptée. Or, ce rapport révèle également des critiques de part et d’autre - et parfois pour les mêmes raisons -, concernant les modalités et les conditions d’application de la loi à venir (types de sanctions, composition du futur Conseil de communication et d’information, diplôme requis à l’exercice de la profession). Ces critiques rejoignent parfois les nôtres. La loi gagnerait par exemple, parmi les rares contenus qu’elle veut proscrire, à supprimer sa référence à des “informations basées sur des suppositions qui peuvent provoquer la commotion sociale et le désordre”. Ces notions sont floues et favorisent l’autocensure. Mais dans l’ensemble, nos craintes portent moins sur le contenu de la loi que sur d’importantes contreparties sans lesquelles son application risque d’être compromise. Trois nous semblent impératives : -La dépénalisation des délits de “diffamation et d’“injure” -La juste répartition de la manne publicitaire officielle concomitamment à celle des fréquences -Une réglementation des annonces ou messages à caractère officiel autrement appelés “cadenas”, limitant leur nombre et posant de très strictes conditions à leur diffusion obligatoire sur toutes les chaînes comme actuellement en semaine. Au lieu d’expliquer une politique, ces “cadenas” sont devenues par leur forme et leur fréquence les instruments d’une propagande agressive – ciblant parfois des médias ou des journalistes -, qui renforce la polarisation. En voici une, diffusée le 7 mai 2010 au cours de notre visite et dont le contexte est expliqué dans le rapport (sous-titrée en français) :
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Updated on 20.01.2016