Quand la Chine cessera-t-elle de harceler les correspondants étrangers ?

Reporters sans frontières (RSF) appelle de nouveau Pékin à cesser de s’en prendre aux journalistes étrangers et à leurs sources. Dans un rapport publié aujourd’hui, le club des correspondants étrangers de Chine (FCCC) dénonce une nouvelle aggravation du harcèlement.

Dans son rapport annuel publié aujourd’hui, le Club des correspondants étrangers de Chine (FCCC), une association professionnelle basée à Pékin qui compte 204 membres issus de 31 pays ou territoires, dénonce le harcèlement dont sont quotidiennement victimes les journalistes étrangers et leurs sources en Chine. Le rapport, basé sur un questionnaire envoyé en décembre 2018 et auquel ont répondu 109 membres du club, constate une nette dégradation de la situation: « la pire depuis 20 ans » si l’on exclut l’année 2011, où les autorités avaient brutalement essayé d’empêcher les médias étrangers de rendre compte de manifestations pro-démocratie.


« Ce harcèlement constant est d’autant plus choquant que la Chine profite autant qu’elle peut de la liberté de la presse pour diffuser sa propagande dans les démocraties, » s’indigne Cédric Alviani, directeur du bureau Asie de l’Est de Reporters sans frontières (RSF), qui appelle la communauté internationale « à faire pression sur le régime de Pékin pour qu’il cesse de harceler les journalistes étrangers et leurs sources. »


Si Pékin semble éviter les pressions trop visibles, comme les « invitations à prendre le thé » au ministère de la Sécurité d’État ou l’incursion de diplomates au siège social des médias, le régime a en revanche développé un arsenal d’intimidation plus insidieux : écoute téléphoniques, piratages informatiques, surveillance physique. Presque tous les journalistes ayant pu se rendre dans la région du Xinjiang (ouest), théâtre d’une répression de grande échelle contre la communauté ouïghour, ont subi des interférences : filature, interpellation, réservation d’hôtel annulée ou injonction à effacer leurs enregistrements.


Le chantage au visa s’est aussi intensifié avec l’expulsion en août 2018 de la directrice du bureau de Pékin de Buzzfeed News, Megha Rajagopalan. Les dernières expulsions de ce type, en 2016, avaient touché la journaliste française Ursula Gauthier et le journaliste suédois Jojje Olsson. Les autorités ont aussi délivré, manière d’avertissement, des visas de durée inhabituellement courte aux correspondants du New York Times, de la BBC, d’Australian Broadcasting Corporation (ABC), du Sankei Shimbun et de Voice of America.


Les menaces sur les sources chinoises, notamment académiques, sont enfin devenues tellement courantes que les journalistes hésitent désormais à les contacter, de peur de les mettre en danger. Pour Tom Mitchell, chef du bureau de Pékin du Financial Times, « c’est de loin le pire que j’ai vu travailler en tant que journaliste en Chine ou à Hong Kong depuis 2000. » Une analyse que confirme la présidente du FCCC, Hanna Sahlberg, pour qui « Même les médias étrangers vont finir faire l'impasse sur des sujets qu’ils percevraient comme trop compliqués ou trop dangereux à réaliser en Chine. C’est un risque réel. »


Dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2018 publié par RSF, le pays stagne au 176e rang sur 180.

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Mise à jour le 29.01.2019