Pressions sur les médias algériens : “une tentative illusoire de masquer la réalité”

Deux semaines après le début des manifestations contre une 5e candidature du président Abdelaziz Bouteflika, les autorités algériennes multiplient les pressions contre les journalistes et les médias. Reporters sans frontières (RSF) dénonce ces atteintes à la liberté d’informer et appelle les autorités à cesser toute entrave au travail de la presse.

Arrestations, pressions économiques, censure directe… Depuis le début des manifestations le 22 février 2019 contre un 5ème mandat présidentiel de Abdelaziz Bouteflika, scrutin prévu pour le 18 avril prochain, les autorités algériennes multiplient les pressions contre les médias et les journalistes qui tentent de couvrir le mouvement de protestation qui secoue le pays.


“Entraver le travail des journalistes est une tentative illusoire de masquer la réalité, déplore  Souhaieb Khayati directeur du bureau Afrique du Nord de RSF. Les pressions incessantes sur les médias et les journalistes et les atteintes à la liberté d’informer doivent cesser. Il est temps que les autorités algériennes réalisent que leurs pressions sur l’information sont contre-productives et qu’elles ne font que les décrédibiliser chaque jour un peu plus aux yeux de leur opinion publique.”


Le 28 février dernier, une quinzaine de journalistes ont été interpellés pour avoir participé ou couvert un rassemblement "contre la censure" à Alger. Tous dénonçaient les pressions subies par la profession, suite aux restrictions imposées par leur hiérarchie concernant la couverture du mouvement de contestation.  Si les journalistes ont été relâchés dans la journée, les autorités algériennes n’en maintiennent pas moins leur pression.


Selon des informations recueillies par RSF, le ministère de la Communication a contacté plusieurs médias en leur passant la consigne de ne couvrir que partiellement le mouvement de protestation et de présenter les manifestations comme appelant à des réformes socioéconomiques et non pas comme un rejet d’un 5ème mandat du président Bouteflika.  Pour avoir refusé de se conformer à cette instruction, le groupe Echorouk a été privé ce lundi 4 mars 2019 de tout encart publicitaire de l’ANEP, l’Entreprise Nationale de Communication d'Edition et de Publicité. L’ANEP n’a fourni aucune explication, mais ce retrait intervient juste après la décision d’Echorouk, qui regroupe deux chaînes de télévision, un journal, un magazine et un site internet,  de couvrir “normalement” les manifestations anti 5e mandat.


Censure directe


La censure est parfois moins discrète et se déroule même en direct. Au moment où la présentatrice du journal télévisé de 19h00 de la chaîne publique francophone Canal Algérie, Nadia Madassi, allait annoncer dimanche 3 mars le dépôt de la candidature au conseil constitutionnel de l’opposant Ali Ghediri pour l’élection présidentielle du 18 avril prochain, son rédacteur en chef lui ordonne dans l’oreillette de ne pas donner l’information. L’incident s’est déroulé en direct pendant le journal télévisé. La présentatrice a été sèchement rappelée à l’ordre par son supérieur hiérarchique. Suite à cet incident, Nadia Madassi a annoncé sa décision de se retirer de la présentation du journal.


L’Algérie est à la 136e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la Presse 2018 de RSF.

Publié le
Updated on 06.03.2019