Plus d'une centaine de médias et d'organisations rallient la Journalism Trust Initiative

La Journalism Trust Initiative, lancée par Reporters sans frontières (RSF) et ses partenaires, l’UER, l’AFP et le GEN, entre dans une phase décisive. Le deuxième des quatre ateliers de travail sous égide du Comité européen de normalisation (CEN) sera accueilli par l’UNESCO à Paris, le mardi 5 février.

La Journalism Trust Initiative (JTI) vise à mettre en place un système qui récompense les médias fournissant des garanties de transparence, de vérification de l’information et de correction, d’indépendance éditoriale et de respect des règles déontologiques. Lancée par Reporters sans frontières et ses partenaires, l’Union européenne de radio-télévision (UER), l’Agence France-Presse (AFP) et le Global Editors Network (GEN), elle s’inscrit dans une démarche d’autorégulation volontaire.


Au cours de la prochaine réunion prévue mardi 5 février à l’UNESCO à Paris, le groupe des participants, qui rassemble près de 120 représentants de médias, d’organismes de réglementation, d’entreprises de technologie, d’universités et d’organisations internationales, examinera les premières propositions d’indicateurs à même d’identifier un journalisme digne de confiance et, ainsi, de guider la prise de décision, humaine ou algorithmique, dans la distribution et la consommation d’informations.


Les trois « groupes de rédaction » et le groupe technique se sont réunis dès le lundi 4 février au matin.



Le chaînon manquant


« Définir les principes et les bonnes pratiques du journalisme n’est pas une gageure : les codes et chartes déontologiques ont été façonnés au cours l’histoire du journalisme, déclare Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. Le problème contemporain majeur réside dans la distribution algorithmique du contenu en ligne, qui amplifie tout ce qui se révèle contraire aux normes professionnelles : le sensationnalisme, la rumeur, le mensonge et la haine. C’est pourquoi les meilleures pratiques journalistiques doivent être adaptées à Internet. C’est l’une des conditions propres à inverser la logique, en récompensant et en monétisant le respect de ces normes. La JTI constitue le chaînon manquant entre les principes journalistiques et les algorithmes ».


Organisé en trois différents « comités rédactionnels », le projet développe actuellement des critères lisibles par les machines dans les domaines de l’identité et de la propriété des médias, ainsi que dans celui des méthodes et de la déontologie journalistiques.



Les journalistes à la barre


« Nous sommes conscients qu’il existe une forte demande d’indicateurs de la part des plateformes et des annonceurs, mais aussi des régulateurs et du secteur des médias lui-même », explique Bertrand Pecquerie, le directeur général du GEN. Selon lui, le processus d’élaboration doit s’effectuer dans une totale autorégulation. « Nous ne voulons pas que les gouvernements, les régulateurs, les annonceurs ou les grandes entreprises de technologie nous disent ce qu’est le bon ou le mauvais journalisme », poursuit-il. « Et c’est donc à nous, la communauté des journalistes, de prendre la barre ! » Dans cet objectif, les comités de rédaction de la JTI sont uniquement composés de professionnels, qui représentent des médias tels l’AFP, AP et DPA, la BBC, TV 5 Monde et France Télévision, le groupe RTL, Gazeta Wyborcza, Tagesspiegel ou Tamedia, ainsi que des organisations professionnelles et des ONG comme l’UER ou l’Ethical Journalism Network.


Parmi les autres acteurs, qui ne prennent pas part aux travaux des « comités de rédaction », figurent Facebook et Google, Internews, l’International Press Institute, la fondation Thomson, le Worldwide Web Consortium, le CSA, IMPRESS et IPSO de Grande-Bretagne et le Commissaire du gouvernement fédéral allemand à la culture et aux médias.




L’élément-clé : un cadre de standardisation


« Alors que de nombreuses start-ups et initiatives lancent différents systèmes de classement et de classification pour les médias, il est essentiel que soit développé un système universellement accepté et inclusif, et qu’il soit soutenu par les grands acteurs de ce secteur comme les organisations de médias de service public et leurs alliés commerciaux », observe pour sa part Noel Curran, le directeur général de l’UER.


« Ce système doit être testé, évolutif et jugé digne de confiance par les plateformes en ligne et le public. C’est pourquoi nous avons choisi la voie de la normalisation selon les directives du CEN », poursuit-il.


Noel Curran indique qu’un ensemble de normes, une fois publiées, pourrait ouvrir la voie à de nombreux acteurs à but non lucratif et commerciaux pour qu’ils élaborent, autour d’eux, des programmes d’audit et d’application. De fait, certains, comme NewsGuard et le Global Disinformation Index, ont récemment rejoint la JTI pour explorer les synergies visant à synchroniser les efforts en cours.


« Nous tenons ici l’occasion d’une avancée en fournissant de manière plus évidente des informations fiables et dignes de confiance au public, en lui permettant de les trouver plus facilement. A l’ère des fausses nouvelles et de la désinformation, c’est un objectif que poursuivent les membres de l’UER », conclut-il.



L’importance de la réactivité


« Il est essentiel de réagir de manière adéquate à la méfiance du public envers les médias en offrant aux citoyens des repères et des tags visibles sur le Web, afin qu’ils distinguent facilement les contenus dignes de confiance, souligne Phil Chetwynd, directeur de l’AFP Global News. Pour nous, agence de presse, la possibilité de trouver une solution au quotidien est essentielle, et il est extrêmement important, pour nous tous qui travaillons sur la JTI, de proposer une solution qui serve principalement et avant tout les intérêts des citoyens. » Pour lui, la phase de consultation publique constitue l’un des éléments critiques de l’élaboration d’une norme selon les directives du CEN, tout comme le projet de tester et d’évaluer les résultats. « N’importe quelle norme est sujette à une révision constante, en particulier lorsqu’elle touche des industries en évolution rapide, et celle-ci ne doit pas faire exception, a ajouté M. Chetwynd. Mais nous devons commencer quelque part et nous devons le faire maintenant. »


Le sous-directeur général de l’UNESCO pour la communication et l’information, Moez Chakchouk, a réaffirmé l’engagement de l’organisation dans le renforcement de la qualité du journalisme à travers le monde. A l’occasion de l’accueil du deuxième atelier de la JTI au siège parisien, il déclare : « Nous soutenons la pérennité du journalisme indépendant en favorisant un environnement propice à la liberté de la presse et, plus particulièrement, en promouvant la transparence et le respect des normes professionnelles. »


Après la réunion de Paris, deux autres ateliers sont prévus, dont une phase de consultation publique. Les résultats de la JTI seront publiés sous la forme d’un accord d’atelier CEN fin 2019. Le projet est hébergé par les organismes de normalisation français et allemand Afnor et DIN au nom du CEN.


La JTI est financée par les contributions volontaires de ses principaux acteurs, RSF, UER et AFP, et par le Fonds de soutien à l'émergence et à l’innovation dans la presse (FSEIP) du ministère français de la Culture.


Pour plus d’informations : CEN/WS - Journalism Trust Initiative


Contacts presse et demandes d’interview :


·       RSF : Julie Bance – Chargée des relations presse [email protected] +33 7 81 76 02 25

·       UER : Dave Goodman – Responsable de la communication [email protected] +41 79 634 9097

·       GEN : Jenni Karlsson – Directrice de la communication  [email protected] + 33 1 48 04 06 97


Reporters sans frontières (RSF) est l’une des principales ONG de défense et de promotion du journalisme dans le monde. RSF est enregistrée en France en tant qu’association à but non lucratif basée à Paris, avec des sections étrangères, des bureaux dans treize villes et un réseau de correspondants dans 130 pays.   


L’Union européenne de radio-télévision (UER) est la première alliance mondiale des médias de service public (MSP). Sa mission est de rendre le MSP indispensable. L’UER représente 117 organisations membres dans 56 pays d’Europe, du Moyen-Orient et d’Afrique, et compte 34 autres organisations associées en Asie, en Afrique, en Australasie et en Amérique. L’UER exploite les services Eurovision et Euroradio.


Fondée en 1835, l’Agence France-Presse (AFP) est la troisième plus grande agence de presse internationale et offre une couverture rapide, précise et approfondie des événements qui façonnent notre monde. Créée par le Parlement français, c’est une entité autonome dont l’indépendance est au cœur de ses obligations fondamentales.


Le Global Editors Network (GEN) est l’association mondiale des rédacteurs en chef rassemblant des cadres supérieurs de l’information et des innovateurs des médias de toutes plateformes. Le GEN se concentre sur l’innovation dans les salles de rédaction, les nouvelles méthodes de narration et le journalisme durable à travers plusieurs programmes et à travers le sommet GEN, sa conférence annuelle.

Publié le
Mise à jour le 05.09.2019