Ouverture du procès d’Erol Önderoğlu : RSF appelle à restaurer le pluralisme en Turquie

Le procès d’Erol Önderoğlu, Şebnem Korur Fincancı et Ahmet Nesin s’ouvrira le 8 novembre 2016 à Istanbul. Le représentant de Reporters sans frontières (RSF) en Turquie et ses deux collègues risquent la prison pour avoir pris part à une campagne de solidarité avec le quotidien kurde Özgür Gündem. Le rédacteur en chef du journal, İnan Kızılkaya, comparaîtra également. L’organisation réclame l’abandon immédiat des poursuites à leur encontre.

Le représentant de RSF en Turquie, Erol Önderoğlu, la présidente de la Fondation pour les droits humains (TIHV) Şebnem Korur Fincancı, et l’écrivain Ahmet Nesin sont poursuivis pour “propagande terroriste”. Leur crime ? Avoir pris part à une campagne de solidarité avec le quotidien kurde Özgür Gündem. Au nom du pluralisme, des dizaines de personnalités s’étaient relayées, entre mai et août 2016, pour prendre symboliquement la direction de ce journal persécuté par la justice. Ce qui leur vaut d’être eux-mêmes poursuivis sur la base de l’infamante loi antiterroriste turque. Jetés en prison le 20 juin, Erol Önderoğlu, Şebnem Korur Fincancı et Ahmet Nesin ont été remis en liberté conditionnelle dix jours plus tard au terme d’une vaste mobilisation internationale. Mais ils sont loin d’être tirés d’affaire : leur procès va débuter le 8 novembre. Emprisonné depuis le 16 août, le véritable rédacteur en chef d’Özgür Gündem, İnan Kızılkaya, sera jugé en même temps qu’eux.


"À l'heure où le pluralisme des médias est à l'agonie en Turquie, une cinquantaine de journalistes et intellectuels risquent comme nous trois la prison pour avoir défendu le droit pour un journal pro-kurde d'exister, déclare Erol Önderoğlu. Après une incarcération de dix jours, il est bien difficile de placer nos espoirs dans une justice entièrement contrôlée par le pouvoir et soumise depuis trois mois à l'état d'urgence. Seule une forte mobilisation peut éviter notre condamnation dans un pays où le gouvernement sombre dans l'autoritarisme sans plus se soucier du respect des valeurs démocratiques."


La présidente de la section autrichienne de RSF, Rubina Möhring, fera le déplacement à Istanbul pour assister à l’audience en compagnie de Lucie Morillon, responsable des programmes de l’organisation, Johann Bihr, responsable de son bureau Europe de l’est et Asie centrale, et Anne Renzenbrink, attachée de presse de sa section allemande. Ils prendront part à une conférence de presse conjointe avec les associations turques de défense des droits de l’homme, prévue le 8 novembre à 10 heures, et observeront la veille le début du procès de Nadire Mater. La directrice du site d’information de référence Bianet est elle aussi poursuivie en tant que “rédactrice en chef d’un jour” d’Özgür Gündem. La délégation internationale rendra également visite à la rédaction de Cumhuriyet, dont douze collaborateurs ont été arrêtés le 31 octobre, et à des représentants de médias récemment liquidés par décret.


“Nous venons manifester notre soutien total à Erol, Şebnem, Ahmet et à toutes les autres personnalités poursuivies pour avoir défendu le pluralisme, déclare Lucie Morillon. L’ampleur effarante de la purge des médias en Turquie, ces derniers mois, confirme combien leur combat était juste. Nous réclamons à nouveau la levée des accusations absurdes pesant contre eux, la libération des journalistes emprisonnés sans preuve et la restauration du pluralisme en Turquie.”


Erol Önderoğlu est poursuivi sur la base de trois articles publiés par Özgür Gündem le 18 mai. Ils traitaient de luttes d’influence entre diverses forces de sécurité turques et des opérations en cours contre les rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le sud-est anatolien. Représentant RSF en Turquie depuis 1996, Erol Önderoğlu compile les rapports trimestriels sur l’état de la liberté d’expression en Turquie du site d’information Bianet. Membre du Conseil de l’International freedom of Expression Exchange (IFEX), il collabore régulièrement avec l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de nombreuses autres organisations internationales.


La Turquie occupe la 151e place sur 180 dans le Classement 2016 de la liberté de la presse, publié par RSF. Déjà très préoccupante, la situation des médias est devenue critique sous l’état d’urgence proclamé suite à la tentative de putsch du 15 juillet. Les locaux d’Özgür Gündem ont été placés sous scellés en août et le journal a finalement été liquidé par décret, le 29 octobre. Près de 150 titres ont été interdits de la même façon et autant de journalistes sont actuellement en prison.
Publié le
Mise à jour le 04.11.2016