Taxe sur les revenus publicitaires : les médias pris à la gorge

Le Parlement hongrois a adopté, mercredi 11 juin 2014, une loi visant à taxer les revenus publicitaires des médias jusqu’à 40% pour ceux enregistrant des revenus publicitaires de plus de 65 millions d’euros.

Cette taxe, qui s’appliquera progressivement par tranche de revenus, risque de fragiliser encore davantage un secteur médiatique déjà en difficulté. Elle fait aussi craindre un acharnement contre RTL Klub, chaîne de divertissement appartenant au groupe allemand RTL. Aujourd’hui première chaîne en Hongrie en termes d’audience, RTL Klub sera frappée de plein fouet par cette nouvelle taxe, au point d’en devenir le premier contributeur. Alimentant cette inquiétude, János Lázár, le chef du groupe parlementaire majoritaire du Fidesz, a déclaré devant la presse que “RTL (était) une menace pour le pays” et qu’il “vaudrait mieux (que le groupe) exerce ses activités en Allemagne plutôt qu’en Hongrie”. En parallèle, TV2, chaîne commerciale concurrente réputée proche du Fidesz, bénéficie d’une exception permettant de retrancher de la taxe une partie du déficit des exercices antérieurs. Une plainte a été déposée par l’alliance de la gauche hongroise auprès de la Commission européenne pour favoritisme. D’une manière générale, les médias hongrois ont largement manifesté leur opposition à cette nouvelle loi. Le 5 juin, soit trois jours après le dépôt du projet de loi, 16 chaînes de télévision ont affiché un écran blanc pendant 15 minutes, le lendemain plusieurs journaux et magazines publiaient des pages blanches simplement barrées du slogan “Nous protestons contre l’introduction de la taxe sur les revenus publicitaires”. Le 9 juin, une manifestation populaire a par ailleurs réuni un millier de personnes devant le Parlement. “Nous constatons à regret qu’une nouvelle loi vient s’ajouter à l’arsenal législatif liberticide développé par le gouvernement de Viktor Orbán depuis 2010. Si la Hongrie traverse des difficultés économiques qui légitiment le recours à de nouvelles taxes, la fragilité de son pluralisme ne lui permet pas d’imposer un tel dispositif fiscal à ses médias. La Hongrie du Fidesz poursuit méthodiquement une déconstruction de ses fondements démocratiques, avec, en première ligne, la mise au pas des médias indépendants. Il ne manquait plus que l’asphyxie économique, le Fidesz vient de l’inscrire dans la loi”, déclare Reporters sans frontières. La Hongrie de Victor Orbán poursuit sa guerre contre les médias indépendants Cette nouvelle loi fait effectivement suite au renforcement de la position du Fidesz dans la vie politique hongroise. Conforté par un score record de 45% des voix aux élections législatives d’avril 2014, le Fidesz dispose d’une majorité des deux-tiers au Parlement grâce à un habile découpage électoral. Son adoption intervient peu après une nouvelle démonstration de l’érosion continue de la liberté de l’information en Hongrie. Le rédacteur en chef de Origo.hu, site d’informations réputé pour ses révélations sur les abus du gouvernement hongrois, a récemment été écarté par le propriétaire, l’opérateur téléphonique Magyar Telekom. En cause, la publication d’un article mentionnant que le chef de cabinet du Premier ministre Viktor Orbán avait bénéficié de plus de 6 000 euros pour un hébergement dans un hôtel de luxe lors d’un voyage à l’étranger. Une grande partie de la rédaction a démissionné en réponse à ce départ “négocié”. Le Fidesz de Victor Orbán persiste dans la voie choisie en 2010 avec l’adoption de lois sur les médias reconnues par la société civile hongroise et les organisation internationales et intergouvernementales comme liberticides. Ce nouveau moyen de pression économique vise à affaiblir davantage les médias qui échappent au contrôle politique du pouvoir. En recul démocratique constant depuis l’accession au pouvoir du Fidesz en 2010, la Hongrie de Viktor Orbán semble ne pas pouvoir se réveiller. Classé 64ème sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2014, le pays accuse une chute de 45 places en seulement trois ans. Alors que l’OSCE a souligné les irrégularités des dernières élections d’avril ayant conforté Orbán et son gouvernement, il devient urgent pour l’Union européenne de réagir.
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Updated on 20.01.2016