Menacé d’expulsion de Turquie, un journaliste syrien est en danger de mort dénonce RSF

Le journaliste syrien Majed Shama est actuellement incarcéré par les autorités turques avec le risque imminent d’être expulsé vers la Syrie. Reporters sans frontières appelle les autorités turques à ne pas le renvoyer ce qui l’exposerait à un danger grave et certain pour sa vie.

Pour les autorités turques, c’est un ton satirique qui ne passe pas. Le journaliste syrien d’Orient News Majed Shama a été interpellé le 30 octobre pour “incitation à la haine” contre les Turcs. Il est aujourd’hui menacé d’expulsion.


Raison de cette arrestation ubuesque : avoir tourné en dérision une polémique sur fond de tensions entre Turcs et réfugiés syriens. À l’origine, un citoyen turc reprochait à la communauté syrienne, importante dans le pays, de s’acheter “des kilos de bananes” tandis que lui n’en avait pas les moyens. Une déclaration qui a suscité les railleries de nombreux Syriens qui, en réponse, se sont filmés en train de manger une banane.


“Toutes les activités de @OrientNews, responsable de ce scandale, doivent être stoppées le plus rapidement possible”, a immédiatement réagi l’une des fondatrices du İyi Parti (mouvement turc de tendance nationaliste), accusant également cette chaîne d’être l’instrument des Émirats arabes unis, où se trouve son principal siège. 


Selon les informations recueillies par RSF, Majed Shama a été forcé de signer un document qui l’oblige à quitter le territoire turc. Son avocat attend depuis près d’une semaine d’en contester la validité en déposant un recours. Mais la direction des affaires migratoires ne l’a toujours pas rendu public. Néanmoins, une expulsion sans préavis reste possible à chaque instant. 


RSF rappelle que l’expulsion d’un ressortissant syrien hors du territoire est contraire au principe de non-refoulement, déclare Erol Onderoglu, représentant de RSF en Turquie. Ce principe de droit international s’assure qu’aucun réfugié ne puisse être renvoyé vers un territoire où sa vie est menacée.


La chaîne Orient News, liée à l’opposition syrienne, est interdite par les autorités de Damas, précise Sabrina Bennoui, responsable du bureau Moyen-Orient de RSF. Si Majed Shama est expulsé, il sera exposé à de sérieuses représailles et à un danger certain pour sa vie, en raison de ses activités.


Quelle que soit la zone où il sera renvoyé, la situation de Majed Shama s’en trouvera fortement détériorée pour exercer son métier et bénéficier de sa liberté de ton habituelle. S’il est expulsé dans les zones contrôlées par les forces soutenues par la Turquie (notamment l’Armée nationale syrienne), le journaliste sera sous pression s’il adopte des positions critiques de la politique turque dans la région. S’il est expulsé par le poste-frontière de Kassab, contrôlé par le gouvernement syrien, il sera directement livré aux autorités.


En août 2019, RSF s’alarmait déjà du renvoi dans leur pays d’origine de plusieurs journalistes syriens réfugiés en Turquie. Raison avancée : l’expiration du délai laissé aux réfugiés pour régulariser leur situation. Les autorités turques étaient finalement revenues sur leur décision.


La Turquie et la Syrie occupent respectivement la 153e et la 173e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.

Publié le
Mise à jour le 05.11.2021