Médias et journalistes, otages des conflits au sein du pouvoir

Reporters sans frontières condamne les agressions et les arrestations de journalistes de l’agence IRNA, ainsi que la suspension du quotidien Etemad. Le 21 novembre 2011, des agents du parquet de Téhéran et les forces de l’ordre ont attaqué le siège du quotidien Iran afin de procéder à l’arrestation de son directeur, Ali Akbar Javanfekr, au moment où il donnait une conférence de presse pour protester contre sa condamnation, la veille, à un an de prison ferme et trois ans d’interdiction d’exercer ses activités de journaliste. L’assaut a été particulièrement violent, les forces de l’ordre n’hésitant pas à recourir à des tirs de gaz lacrymogène contre les journalistes de l’agence venus soutenir leur directeur. Selon le communiqué d’IRNA, “le directeur du quotidien Iran, Mosayb Naimi, et plusieurs journalistes ont été blessés ou arrêtés” au cours de cette attaque. Ce dernier a été libéré quelque heures plus tard. Nous restons sans nouvelles des autres journalistes arrêtés. Ali Akbar Javanfekr, conseiller de Mahmoud Ahmadinejad et directeur de l’agence Irna, a été menotté avant d’être relâché suite à l’intervention directe du Président de la République. Le 20 novembre 2011, il a été condamné, par la 76e chambre du tribunal de Téhéran, à un an de prison ferme et trois ans d’interdiction d’exercer ses activités journalistiques, suite à la publication d’un supplément du quotidien Iran sur le tchador, le 13 aout 2011, qui avait suscité une vive polémique et dont la diffusion avait été interdite. D’autre part, Etemad a été suspendu, le 19 novembre, pour une durée de deux mois. Dans son dernier numéro, le journal avait publié une interview d’Ali Akbar Javanfekr, dans laquelle ce dernier avait sévèrement critiqué les partisans de l’ayatollah Khamenei, tels que le procureur général Gholam Hossein Mohseni Ejehi, le ministre des Renseignements Heydar Moslehi, le président du Parlement Ali Larijani, et beaucoup d’autres personnalités proches du Guide suprême. Il avait également protesté contre les pressions subies par les proches de Mahmoud Ahmadinejad, n’hésitant pas à déclarer : “Garder les prisonniers dans des cellules individuelles est interdit dans la loi iranienne”. Il a également déclaré que le gouvernement n’était pas responsable des exactions contre les prisonniers, soulignant que le ministère des Renseignements n’était pas sous le contrôle du président Mahmoud Ahmadinejad. Cet ancien haut responsable du ministère des Renseignements et du bureau de l’ayatollah Khamenei dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix est actuellement l’un des fidèles du Président. C’est la deuxième fois que le journal Etemad est suspendu depuis 2010. Le 1er mars 2010, le quotidien avait été suspendu sur ordre de la Commission d'autorisation et de surveillance de la presse, contrôlée par le ministère de la Culture et de l'Orientation islamique. Le 19 juin 2011, le journal a toutefois pu être à nouveau distribué. Etemad est proche des réformateurs. Son directeur, Elyass Hazrati, est un ancien député et un ex-commandant des Gardiens de la révolution. “Le crime du journal Etemad est d’avoir publié les propos du conseiller du Président de la République de ce pays, soit un responsable du régime critiquant d’autres responsables. La justice iranienne a ordonné la fermeture de ce journal pour ‘publication des fausses informations’. Alors même que le directeur de l’agence officielle IRNA accuse le régime et ses anciens collaborateurs de torture, c’est le journal réformateur qui est châtié. Les journaux et journalistes indépendants sont les vraies victimes de cette guerre de clans au sommet du pouvoir”, a déclaré Reporters sans frontières. Reporters sans frontières rappelle également que Rahman Gahremanpour Benab, journaliste pour Hamshahri diplomatique et Le journal de Téhéran Emroz, et proche de courant de Mahmoud Ahmadinejad, est détenu depuis le 1er juin 2011 à la prison d’Evin, accusé d’espionnage. On est sans nouvelles de lui depuis. Chercheur au centre stratégique du régime, il a été arrêté avec trois professeurs d’université turcs, qui ont été libérés treize jours plus tard.
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Updated on 20.01.2016