Iran : RSF soutient l’ouverture d’une enquête internationale visant le nouveau président iranien, Ebrahim Raïssi

Reporters sans frontières (RSF) appuie la demande du rapporteur spécial de l’Onu sur la situation des droits de l’homme en Iran qui a jugé avoir suffisamment de preuves pour ouvrir une enquête sur le rôle d’Ebrahim Raïssi dans le massacre de milliers de prisonniers politiques en 1988, dont des centaines de journalistes.

C’est une avancée pour faire toute la lumière sur une page particulièrement sombre de l’histoire de l’Iran. Dans une interview donnée à Reuters, le 29 juin dernier, le rapporteur spécial de l’Onu sur la situation des droits de l’homme dans le pays, Javaid Rehman, a demandé l’ouverture d’une enquête internationale contre le nouveau président-élu de la République islamique afin  de déterminer le rôle exact d’Ebrahim Raïssi dans la mort de milliers de prisonniers politiques en 1988, dont centaines de journalistes. 


Le dignitaire religieux, proche de l’ayatollah Ali Khamenei qui va officiellement devenir le huitième président iranien le 3 août prochain, a occupé les fonctions de procureur puis de procureur spécial du tribunal du clergé. Il a également été membre de la terrible commission créée sur ordre de l’ayatollah Rouhollah Khomeiny, en 1988.


Cette “commission de la mort” avait pour mission d’interroger des milliers de prisonniers politiques, dont des journalistes.  Lors d’interrogatoires ne durant parfois que quelques minutes, des milliers de prisonniers qui refusaient de renoncer à leurs convictions ont été condamnés à mort. Au cours de la seule année 1988, entre les mois de juillet et septembre, près de 4 000 détenus politiques, préalablement condamnés à des peines d’emprisonnement, ont finalement été exécutés. 


En mars 2019, alors qu’Ebrahim Raïssi était nommé à la tête de l’Autorité judiciaire iranienne, RSF avait dénoncé sa responsabilité dans ce massacre ainsi que son rôle dans les arrestations, tortures, emprisonnements et exécutions de journalistes durant les années 80. L’organisation a révélé l’existence d’un registre officiel, montrant l’ampleur du mensonge d’Etat orchestré autour des persécutions judiciaires depuis 40 ans et qu’au moins 860 journalistes et journalistes-citoyens avaient été poursuivis, arrêtés, détenus, voire exécutés entre 1979 et 2009 par les autorités iraniennes. 


“Le Rapporteur spécial des Nations unies a confirmé que les preuves démontrant le rôle et l’implication d’Ebrahim Raïssi dans des ‘crimes contre l'Humanité’ étaient suffisantes pour ouvrir une enquête, se félicite le directeur plaidoyer et contentieux stratégique de RSF, Antoine Bernard. Il est primordial que la création d’une commission d’enquête soit mise à l’ordre du jour du Conseil des droits de l’homme et que cette initiative reçoive le plus large soutien possible.


Rapports accablants

Alors que les autorités iraniennes n’ont jamais reconnu l’existence de la répression massive menée pendant l’année 1988, les sept présidents des groupes de travail et rapporteurs des Nations unis ont publié, le 3 septembre 2020, un rapport accablant demandant une enquête urgente. 


Un des responsables iraniens, accusés d’être impliqués dans la répression de 1988, a déjà été arrêté. Hamid Noury, qui détenait un poste à responsabilité dans la prison de Gohardasht (actuelle prison de Rajai Shahr, située au nord de Téhéran), est ainsi en détention provisoire en Suède depuis le 9 novembre 2019. Son procès doit débuter le 10 août 2021 à Stockholm et des révélations sont attendues sur le rôle exact de la commission et l'implication d’Ebrahim Raïssi dans le massacre. 

Interrogé sur son rôle dans ces événements, Ebrahim Raïssi a de son côté affirmé : “Si un juge, un procureur, a défendu la sécurité du peuple, il doit être félicité... Je suis fier d’avoir défendu les droits de l’homme dans tous les postes que j’ai occupés jusqu’à présent.”


Triste record

La République islamique d’Iran est l’un des régimes les plus répressifs à l’encontre des journalistes, détenant le triste record du monde du plus grand nombre de condamnations à mort de reporters au cours de ces 50 dernières années. Le 12 décembre 2020, l’administrateur de la chaîne Telegram Amadnews, Rouhollah Zam, a été exécuté par pendaison. Il avait été condamné à mort à l'issue d’un procès inique, mené sous la responsabilité d’Ebrahim Raïssi.


Ebrahim RissolSadat  ( Raïssi) a été élu président de la République islamique d’Iran le 19 juin 2021 lors d’un scrutin entaché d’irrégularités, avec moins de 49% de votants, selon les chiffres officiels. Il s’agit du plus bas taux de participation de l’histoire du pays. 


L’Iran se situe à la 174e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2021 publié par RSF

Publié le
Mise à jour le 01.07.2021