Fermeture de Roj TV : Eutelsat se substitue à la justice

Reporters sans frontières est abasourdie par la décision de l'entreprise européenne Eutelsat de suspendre la diffusion de la chaîne kurde Roj TV sur ses satellites. « Nous sommes choqués par cette décision unilatérale et scandaleuse, prise au mépris de la liberté d’expression. En suspendant la diffusion de Roj TV, Eutelsat prend une initiative dont s’est bien gardée la justice danoise. La cour n’a jamais ordonné la fermeture de la chaîne, qui a d’ailleurs fait appel de sa condamnation à une peine d’amende », a rappelé l’organisation. « De la Chine à l’Iran, en passant par l’Arabie saoudite, Eutelsat s’est déjà illustrée par son peu de considération pour la liberté de l’information. L’entreprise contribue désormais à promouvoir une rhétorique ‘antiterroriste’ à la portée politique majeure. Faut-il rappeler qu’il s’agit là de l’argument de choix des régimes répressifs pour justifier leurs atteintes à la liberté de la presse ? C’est encore sous ce prétexte que la Turquie a jeté en prison une trentaine de journalistes il y a moins d’un mois. L’Etat français, actionnaire d’Eutelsat, est-il prêt à endosser la responsabilité de sa décision ? » Le 19 janvier, Eutelsat a annoncé qu’elle demandait à ses distributeurs d’interrompre la diffusion de Roj TV. L’entreprise estime que la condamnation de la chaîne kurde par la justice danoise, début janvier, lui ferait courir le risque d’être attaquée en France pour « complicité d’apologie du terrorisme » et « complicité de collecte de fonds au profit d’une organisation terroriste ». Le 10 janvier 2012, en première instance, le tribunal de la ville de Copenhague a jugé Roj TV coupable de « soutien aux activités d’une organisation terroriste » de février 2008 à septembre 2010. Les deux sociétés propriétaires de la chaîne ont été condamnées à une lourde amende. Mais la cour n’a pas suivi le parquet, qui demandait le retrait de l’autorisation d’émettre. La chaîne a interjeté appel. Le siège de Roj TV est basé à Copenhague et émet dans 68 pays. La chaîne a fait l’objet d'accusations récurrentes pour ses liens présumés avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). Cette organisation affronte les autorités turques depuis 1984 dans un conflit meurtrier, qui a récemment regagné en intensité.
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Mise à jour le 20.01.2016