Ethiopie : RSF condamne la suspension abusive de l’accréditation du correspondant du New York Times

Simon Marks, correspondant en Éthiopie depuis septembre 2019 pour le New York Times et Bloomberg a vu son accréditation suspendue dans le pays. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités à laisser les journalistes exercer librement leur métier.

Simon Marks, correspondant pour le New York Times et pour le média américain Bloomberg, avait reçu plusieurs avertissements officieux de la part des autorités éthiopiennes au cours des derniers mois. C’est finalement en revenant d’une mission au Tigré, en mars 2021, que le reporter a vu son accréditation suspendue par l'autorité éthiopienne de radiotélédiffusion (EBA), au motif qu’il “manquerait d’impartialité” et “diffuserait de fausses informations”. Le courrier justifiant sa suspension évoque particulièrement deux articles traitant du conflit tigréen et du différend frontalier entre l’Ethiopie et le Soudan publiés en début d'année sur Bloomberg.


Après plusieurs semaines de tractations pour tenter de convaincre l’EBA de lui remettre sa licence, le journaliste a été informé le 7 mai qu’il ne serait autorisé à reprendre ses activités qu’en octobre prochain. Joint par RSF, le reporter a expliqué que cette mesure l’empêcherait de couvrir les élections législatives, dont la date vient d’être repoussée. Notre organisation a tenté de joindre le directeur de l’EBA, Mohammed Edris, mais n’a pas obtenu de réponse.


Cette suspension témoigne une nouvelle fois de la volonté des autorités éthiopiennes de réduire les journalistes au silence et de verrouiller l’accès à l’information, déclare RSF. Dans une zone comme le Tigré où l’information est presque devenue inaccessible, empêcher un journaliste d’effectuer son travail révèle une défiance très claire contre la presse. Cette situation jette le discrédit sur l’autorité de radiodiffusion, dont la mission officielle est pourtant d'œuvrer à la diversification du paysage médiatique… Une telle décision est disproportionnée, nous appelons les autorités à l’annuler et à laisser les journalistes travailler librement sur tout le territoire.


L’exercice du journalisme et l’accès à l’information sont de plus en plus compromis dans le pays, particulièrement dans la région du Tigré où le gouvernement local et les autorités fédérales s’affrontent depuis novembre 2020. Dans les premières semaines du conflit, l’EBA avait annoncé avoir suspendu la licence de la correspondante de Reuters à cause de reportages “induisant le monde en erreur”, et avait envoyé des lettres de mise en garde à la BBC et à la Deutsche Welle. Contacté par RSF, un journaliste ayant souhaité conserver l’anonymat a également déploré des menaces de retrait d’accréditation pesant sur lui ou ses collègues. 


Après avoir progressé durant trois ans, l’Éthiopie a reculé de deux places dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021, passant de la 99e à la 101e place sur 180 pays.  

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Mise à jour le 18.05.2021