En mission en Bulgarie, RSF demande la mise en oeuvre d'un "plan de sortie de crise" pour la liberté de la presse

Le représentant de Reporters sans frontières (RSF) a lancé un appel aux autorités et aux responsables politiques bulgares pour les inviter à soutenir les médias qui diffusent une information fiable et à faire de ce thème un sujet phare de la campagne électorale des élections législatives de novembre prochain.

Alors que les Bulgares sont appelés pour la troisième fois en sept mois aux urnes pour élire leurs députés et qu’une élection présidentielle aura lieu en novembre prochain, RSF s’est rendue à Sofia les 23 et 24 septembre 2021 pour appeler à une mobilisation pour le droit à l'information.


"Le droit à l’information vit une crise profonde en Bulgarie. Nous avons besoin d'un plan de sortie qui garantira la fiabilité d’information, et qui soutiendra ceux qui la produisent et diffusent : les journalistes. Dans un pays ravagé par le coronavirus et par la corruption dans l'allocation des fonds européens, l'accès à l'information fiable sur les politiques publiques est plus que jamais dans l’intérêt général des Bulgares, mais aussi de tous les Européens," a déclaré le 24 septembre le responsable du bureau UE/Balkans, Pavol Szalai, lors de  son intervention à la conférence “Nouveaux horizons dans le journalisme”.


La Bulgarie cumule tous les problèmes de la liberté de la presse qui existent ailleurs en Europe : attaques physiques et campagnes de dénigrement à l’égard des journalistes; impunité des crimes commis contre les reporters et harcèlement judiciaire; parti pris des médias publics, en particulier dans la période pré-électorale; corruption, désinformation, et manque de transparence sur la propriété des médias privés; pluralisme des médias menacé par la concentration; ainsi qu’inéquité et opacité dans la distribution des aides publiques au détriment des médias indépendants. La Bulgarie est en effet le pays européen le plus mal placé au Classement mondial de la liberté de la presse, un constat partagé le 24 septembre par l’eurodéputée Sophie In ‘t Veld qui menait à Sofia une mission du Parlement européen sur l’état de droit et la liberté de la presse dans le pays.


Lors de son déplacement à Sofia, RSF a plaidé auprès des autorités et des personnalités politiques nationales pour la mise en œuvre de mesures concrètes pour favoriser la fiabilité de l’information et pour soutenir les médias bulgares indépendants. "Nous avons présenté des recommandations fortes. Nous vous demandons maintenant d'agir dans le cadre de vos compétences,” a déclaré le représentant de RSF Pavol Szalai lors de son entretien avec le ministre de la Culture Velislav Minekov. 


Quand bien même celui-ci est membre d’un gouvernement d’intérim, nommé en attendant de nouvelles élections législatives, et sans même attendre les recommandations de RSF, il doit appliquer les règles en vigueur, notamment en matière de transparence de la propriété des médias et d’allocation des fonds européens et nationaux. RSF a notamment demandé au ministre de sanctionner les organes d’information qui ne respectent pas l’obligation légale de déclarer leurs revenus provenant des fonds publics et de certains donateurs dans un registre central dédié. Le manque de contrôle de ces obligations crée des conditions inéquitables sur le marché, expose aux poursuites judiciaires arbitraires les donateurs des médias indépendants et affaiblit à terme les médias qui ne dépendent pas des fonds d’Etat et respectent leurs obligations légales. Pavol Szalai a par ailleurs demandé au ministre de commencer à mettre en place un système transparent et équitable de distribution de la publicité d’Etat selon un indicateur fiable et indépendant, comme la Journalism Trust Initiative, une initiative développée par RSF pour favoriser la fiabilité de l’information.


Le gouvernement d'intérim a révélé qu'entre 2017 et 2021 les médias bulgares ont bénéficié de cinq millions d'euros en publicité pour les fonds européens placée par les autorités nationales. Mais toute la lumière doit être faite sur ces pratiques douteuses.  RSF a demandé au ministre de la Culture une enquête sur une campagne de sensibilisation du public sur les différentes dépendances qui aurait pu financer les médias favorables à l’ancien parti du gouvernement GERB au détriment des médias indépendants, et par conséquent aurait pu défavoriser le pluralisme de l’information.


Le paysage médiatique bulgare est très marqué par une forte présence de journaux et sites de désinformation, contrôlés par des oligarques souvent proches de certains partis politiques. Lors de sa rencontre avec les membres du Conseil des médias audiovisuels (CEM), le régulateur public, RSF lui a demandé de prendre des mesures contre la diffusion de désinformation, en exerçant sa compétence prévue par la loi lui permettant de s’appuyer sur le Code de déontologie des médias bulgares - une charte écrite par les médias eux-mêmes. Pavol Szalai a également appelé le régulateur à veiller à l’indépendance éditoriale des médias publics, notamment de la télévision publique qui s’est démarquée par son soutien au gouvernement sortant lors des élections anticipées de juillet dernier. 


RSF s’est également entretenu lors de sa mission avec plusieurs partis politiques majeurs bulgares qui ont, jusqu’à présent, échoué à former un gouvernement et qui se présentent à nouveau aux élections du 14 novembre prochain. Il leur a demandé de faire de la fiabilité de l’information un sujet phare de leur campagne et de considérer dans ce but, s’ils sont élus, la mise en œuvre des recommandations conçues par RSF avec l’aide des experts bulgares en mars dernier. En première place de ces recommandations figurent des mesures pour améliorer la sécurité physique des journalistes et pour les protéger contre le harcèlement judiciaire, notamment des poursuites abusives. 


Favoriser le droit à l’information fiable doit être une priorité absolue. Sans lui, il est impossible de lutter contre le COVID-19 ou contre la corruption. Il faut soutenir le journalisme professionnel en agissant maintenant avant qu’il ne soit trop tard,” a déclaré Pavol Szalai.


La Bulgarie figure à la 112e place au Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF en 2021.

Publié le
Updated on 24.11.2021