Coronavirus : au Tadjikistan, les conditions de travail des journalistes se détériorent

Les autorités nient la présence de cas de coronavirus dans le pays et refusent de répondre aux interrogations des journalistes sur la situation sanitaire, les accusant de "semer la panique". Deux d’entre eux ont été longuement interrogés par la police. Reporters sans frontières (RSF) demande l’arrêt des pressions et plus de transparence.

C’est seulement pour confirmer l’absence de cas liés au coronavirus au Tadjikistan que le ministre de la Santé s’est exprimé, le 7 avril, dans une interview à Pressa.tj. Depuis début mars, les journalistes travaillent dans un contexte opaque, propice à la désinformation. Frontalier de la Chine, le pays est l’un des rares au monde à n’avoir signalé aucun malade atteint du Covid-19, avec la Corée du Nord ou le Turkménistan. Les autorités persistent dans leur déni et ne répondent plus aux questions des médias, notamment sur la mise en quarantaine prolongée de plus de 300 personnes dans un hôpital spécialisé dans les maladies infectieuses ou le port soudain de masques par la police de la ville de Khodjent. La plupart des médias indépendants sont par ailleurs bloqués dans le pays. 


La loi sur la presse tadjike prévoit dans ses articles 6 et 24 certains cas permettant aux autorités de refuser de répondre à des journalistes mais les questions liées à une situation sanitaire n’en font pas partie. Le président de Radio Free Europe / Radio Liberty (RFE/RL), Jamie Fly, s’est d’ailleurs plaint publiquement de ce refus dans une lettre adressée au ministre des Affaires étrangères.


Dans un communiqué publié lundi 6 avril, le ministère de la Santé a démenti les rumeurs persistantes liées à la mort d’un homme de 60 ans dans un hôpital du nord du pays, Officiellement, l’homme serait "décédé d’une pneumonie" et non pas du Covid-19. Le ministère de la santé exhorte par ailleurs "les agences d'information du pays à ne faire confiance qu'aux informations officielles des organismes publics", afin d’éviter les rumeurs susceptibles de "semer la panique dans la population".


"Semer la panique", c’est précisément ce qui a été reproché par la police à Sitora Safarova et Cherali Davlatov, deux journalistes travaillant pour l’hebdomadaire indépendant SSSR, interpellés et longuement interrogés le 5 mars, après qu’ils aient photographié des habitants se ruant sur des produits alimentaires dans un marché de la capitale, Douchanbé.


"C’est le manque de transparence des autorités sur la situation qui favorise la propagation des rumeurs, et non la couverture de l’épidémie par les médias, estime la responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale, Jeanne Cavelier. Nous demandons aux autorités compétentes de répondre aux questions des journalistes sur le Covid-19, de cesser leurs pressions et de débloquer les sites d’information indépendants publiant sur l’épidémie, comme Asia-Plus ou Akhbor."


Le Tadjikistan occupe la 161e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2019. Le pays a perdu 45 places depuis 2015. Cette course aux abîmes s’explique notamment par une censure massive d’Internet, les autorités s’étant arrogées le monopole du réseau national en 2018, et par le harcèlement à l’égard des derniers journalistes qui tentent de faire leur travail.

Publié le
Updated on 09.04.2020