Cambodge : le journaliste Kouv Piseth risque cinq ans de prison pour un commentaire sur la pandémie de Covid-19

Une semaine après son interpellation, Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités cambodgiennes de libérer sur-le-champ ce journaliste, dont le seul crime a été d’exprimer des propos critiques sur la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement. Son arrestation est le symbole de l'instrumentalisation de la crise du Covid pour faire taire les voix discordantes.

Il risque une peine cumulée de cinq ans de prison. Le journaliste Kouv Piseth - également connu sous le nom de Kao Piseth - a été interpellé, mercredi 14 juillet, par la police de Battambang, dans le nord-ouest du Cambodge. Correspondant du site d’information Siem Reap Tannhektar, il a été placé en détention provisoire le lendemain, pour “incitation au crime”, selon les termes de l’article 495 du code pénal, qui prévoit jusqu’à deux ans de réclusion criminelle.


Le journaliste est aussi poursuivi au motif de l’article 11 de la récente loi Covid-19”, adoptée en mars dernier, laquelle punit de six mois à trois ans de prison supplémentaires toute “entrave à la mise en œuvre des mesures sanitaires”. 


En fait d’incitation au crime, Kouv Piseth a simplement émis sur son compte Facebook, le 27 juin, des réserves quant à l'utilisation, au Cambodge, des vaccins issus des laboratoires chinois Sinopharm et Sinovac. Alors que l’instruction est en cours, le journaliste n’a pas eu accès à un avocat. 


Le placement en détention de Kouv Piseth, parfaitement abusif, illustre, s’il le fallait encore, l'implacable niveau de répression auxquels sont confrontés les journalistes qui osent porter des propos critiques sur le gouvernement cambodgien, déclare le responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard. Le journaliste est la dernière victime du système de censure que le clan du Premier ministre Hun Sen a mis en place sous prétexte de lutter contre les fausses informations liées au Covid. RSF demande sa libération immédiate et inconditionnelle.” 


Arsenal législatif


Avant l’adoption, en mars dernier, d’une “loi de mesures préventives contre la diffusion du Covid-19 et d’autres maladies contagieuses”, RSF avait déjà mis en garde la société civile cambodgienne après que le gouvernement Hun Sen eût renforcé son arsenal législatif contre la presse indépendante, en adoptant une loi d’urgence institutionnalisant la censure dans tous les médias - sous prétexte de lutter contre l’épidémie de Covid-19.


Selon les données recueillies par RSF, au moins deux journalistes ont été jetés en prison pour avoir tenté d'informer leurs concitoyens sur la pandémie. Le directeur du site d’information TVFB, Sovann Rithy, a été arrêté en avril 2020, puis condamné à dix-huit mois de prison. Il s’était contenté de relayer, dans un post Facebook, une phrase prononcée par le Premier ministre Hun Sen lui-même, sur les effets du confinement.


La même peine a visé, en novembre dernier, le directeur de la publication du journal Cheat Khmer (“La nation khmère”), Ros Sokhet, poursuivi pour incitation au chaos. En cause, notamment, un article dans lequel le journaliste s'interrogeait, lui aussi, sur les effets du confinement sur la population khmère.


Toujours selon les archives de RSF, un troisième journaliste, Shen Kaidong, de nationalité chinoise, a pour sa part été expulsé du Cambodge en février dernier. Rédacteur en chef de Angkor Today, il avait publié une enquête sur des ventes privées de vaccins d’origine chinoise sur le sol cambodgien. 


Le Cambodge se situe à la 144e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.

Publié le
Mise à jour le 21.07.2021