Bulgarie : la condamnation d’un journaliste crée un dangereux précédent

La condamnation d’un journaliste bulgare pour diffamation après des critiques émises sur la gestion du régulateur boursier par son président créé un dangereux précédent pour le journalisme d’investigation en Bulgarie, lanterne rouge de la région en matière de liberté de la presse.

Le journaliste bulgare de l’hebdomadaire Capital Weekly  Rossen Bossev a été condamné le 21 mai 2019 par un tribunal de Sofia pour diffamation publique dans une affaire qui l’opposait à Stoyan Mavrodiev, l’ancien président du régulateur boursier bulgare, le FSC.

Rossen Bossev était poursuivi pour des déclarations faites en janvier 2015  lors d’une interview télévisée au cours de laquelle il avait déclaré que Stoyan Mavrodiev “avait facilité le blanchiment d’argent d’une somme acquise par le biais du trafic de drogue” et s’était “servi du FSC pour exercer des pressions financières sur l’hebdomadaire Capital Weekly et le quotidien Dnevnik”.

La première déclaration est basée sur des faits dont le tribunal n’a pas contesté la véracité. Néanmoins, si les faits sont avérés, le plaignant n’est ni poursuivi, ni condamné pour blanchiment d’argent, de fait cette déclaration a été jugée diffamatoire.

Concernant les pressions financières exercées par le FSC sur les deux publications, le tribunal a estimé qu'il y avait diffamation car les amendes infligées à Capital n'avaient été pas signées par Stoyan Mavrodiev en personne, mais par son adjoint.

Bien que le montant de l’amende -500 euros - soit symbolique, Reporters sans frontières dénonce une décision qui constitue une entrave au journalisme d’investigation et susceptible de créer un précédent, déclare Pauline Adès-Mével, responsable de la zone UE-Balkans de RSF. De plus, le jugement ayant été rendu par Petya Krancheva, une magistrate critiquée à plusieurs reprises par le journaliste dans les colonnes de Capital, RSF s’inquiète de l’impartialité de cette décision judiciaire”.

La juge Krancheva a d’ailleurs refusé de se récuser malgré la requête du journaliste   affirmant n'avoir jamais lu les articles critiques qui la concernaient.

Dans un communiqué publié quelques jours après le jugement, les collègues de Rossen Bossev se sont émus de cette décision perçue comme une réelle menace pour les journalistes d’investigation. Capital n’en est pas à sa première plainte, mais aucun d’entre eux n’avait jamais été poursuivi devant une juridiction pénale pour de telles critiques. “Nous avons la conviction que le journalisme est un pilier essentiel de la démocratie quand d’autres valeurs sont menacées” écrivent-ils.


La décision rendue étant sans appel, le journaliste et son avocat ont annoncé vouloir porter  l'affaire devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).

111e au classement mondial de la liberté de la presse de RSF, la Bulgarie fait figure de lanterne rouge en matière de la liberté de la presse dans la région.

Publié le
Mise à jour le 07.06.2019