Bélarus : nouveau durcissement de la répression contre les journalistes

Alors que de nouvelles manifestations se déroulent au Belarus, les arrestations préventives et les affaires pénales contre les journalistes se multiplient. Reporters sans frontières (RSF) appelle les organisations internationales à agir.

Avec l’arrivée du printemps, les manifestations contre la réélection contestée du président Alexandre Loukachenko, en août 2020, reprennent au Bélarus. Et la répression  redouble : les forces de l’ordre tentent visiblement d’empêcher toute couverture médiatique de ces rassemblements. Le correspondant du média allemand Deutsche Welle, Nicholas Connolly, a ainsi été arrêté, deux fois en l’espace de quelques jours, alors qu’il filmait une manifestation à Minsk, le 27 mars. Il portait pourtant un gilet de presse et avait présenté une accréditation officielle avec son passeport. Emmené au poste de police, le reporter a été libéré cinq heures plus tard après l’intervention de l’ambassade d’Allemagne. Les autorités l’ont également forcé à déverrouiller son téléphone, le menaçant de le placer en détention et de lui confisquer son matériel.


Au moins six autres journalistes ont été arrêtés le même jour dans la capitale biélorusse, avant même d’accéder au lieu du rassemblement, place Bangalore. C’est le cas des deux reporters du site d’information Tut.by, Anna Kaltyguina et Galina Oulasik, qui étaient, au moment de leur arrestation, en train de déjeuner dans un café du quartier. Le rédacteur en chef du média indépendant Nasha Niva, Yahor Martsinovitch, et la photographe Nadejda Boujan ont quant à eux été interpellés dans leur voiture. 


Deux jours plus tôt, à l’occasion de la journée non-officielle de la liberté commémorant la déclaration d’indépendance du Bélarus, au moins quatre autres journalistes ont été arrêtés puis relâchés au bout de quelques heures. Parmi eux, deux correspondants russes accrédités : le reporter du quotidien économique Kommersant, Kirill Krivocheyev, et le photographe pour le quotidien Izvestia, Pavel Volkov, tous deux interpellés alors qu’ils couvraient des rassemblements dans la rue principale de Minsk. À Brest, les journalistes indépendants Milana Kharytonava et Ales Lyaoutchouk ont été cueillis par la police au pied de leur immeuble. 


Les autorités tentent de supprimer toute voix indépendante et d’instaurer la peur dans les rédactions, affirme la responsable du Bureau Europe de l'Est et Asie Centrale de RSF, Jeanne Cavelier. RSF salue le courage de ceux qui continuent à informer sur la répression au Bélarus, et appelle les organisations internationales à agir pour faire cesser ce harcèlement et obtenir la libération des journalistes emprisonnés pour leur travail”.


Si les manifestations contre le pouvoir biélorusse ont perdu de leur ampleur cet hiver, la répression contre les journalistes n’a jamais cessé. De nombreux reporters - et notamment ceux déjà condamnés lors des manifestations post-électorales de 2020 - ont été visés par des vagues de perquisitions, certains faisant l’objet de poursuites judiciaires. Le journaliste Dzianis Ivashin, connu pour ses articles sur la police biélorusse, a été inculpé, le 19 mars, pour “ingérence dans les activités d’un policier", et risque trois ans de prison. Il est détenu dans un centre de détention administrative dans l’attente de son jugement. Perquisitionné à Hrodna, le 25 mars, le journaliste de la chaîne publique polonaise TVP Polonia, Andrzej Poczobut, à été placé en détention préventive dans le cadre d’une affaire pénale pour “incitation à la haine”. Des faits passibles de cinq ans de prison. Par ailleurs, huit journalistes derrière les barreaux font actuellement l’objet de poursuites pénales et trois autres ont déjà été condamnés, le 18 février et le 2 mars.


En parallèle, les autorités préparent de nouveaux amendements à la loi “sur les médias”. Selon le document obtenu par Tut.by, les sites d’information qui publieraient des sujets considérés comme “extrémistes” pourront être bloqués et des médias pourraient perdre leur statut sans pouvoir se défendre devant un tribunal. Les journalistes reconnus coupables d’infraction à la loi, notamment par la diffamation ou le discrédit d’institutions publiques, pourraient perdre leur accréditation. Le texte prévoit aussi l’interdiction de publier des informations, considérées comme fausses ou susceptibles de nuire aux intérêts de l’État ou encore des sondages sans accréditation spécifique préalable, sous peine de poursuites. 


Dirigé par Alexandre Loukachenko depuis 1994, le Bélarus occupe la 153e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse de RSF.

Publié le
Mise à jour le 02.04.2021