Appel d'offre - Direction artistique et maquette 100 photos pour la liberté de la presse

APPEL D’OFFRES

 

Direction artistique et maquette

100 photos pour la liberté de la presse

Cahier des charges

Septembre 2019

 

Contact :

Elodie Truchon

[email protected]

 

 

 

Sommaire

 

 

1- Présentation 

 

1.1 Présentation de RSF

1.2 Présentation de la collection 100  photos pour la liberté de la presse

1.3 Tirage et diffusion

1.4 Historique

1.5 Promotion

1.6 Rubricage

1.7 Planning de publication

 

 

2- Prestations attendues

 

 

3- Conditions de l’appel d’offres

 

3.1 Calendrier

3.2 Rémunération des projets

3.3 Eléments attendus dans l’offre 

3.4 Contrat

 

Annexes

 

1- Présentation 

 

Reporters sans frontières publie un appel d’offre visant à identifier l’agence ou la personne qui prendra en charge la direction artistique et la maquette de l’album 100 photos pour la liberté de la presse.

Cet appel d’offre s’inscrit dans le cadre d’une nouvelle formule de l’album, qui sera lancée en mars 2020.

Les bonnes pratiques de RSF nous incitent à interroger régulièrement le marché, de façon à optimiser l’utilisation des ressources de notre ONG. 

Ce document présente le contexte, les enjeux et les objectifs liés à cette mission.

 

Reporters sans frontières

 

Fondée en 1985, Reporters sans frontières assure la promotion et la défense de la liberté d'informer et d'être informé partout dans le monde. L'organisation, basée à Paris, compte des bureaux à l'international (Berlin, Bruxelles, Genève, Madrid, Stockholm, Tripoli, Tunis, Vienne et Washington DC) et plus de 150 correspondants répartis sur les cinq continents. 

 

La collection 100 photos pour la liberté de la presse

 

RSF édite depuis 25 ans des albums de photographie pour financer ses actions de manière indépendante. 

Chaque album présente le travail d’un photographe, d’une agence, parfois de plusieurs photographes autour d’un thème (le Jazz, la route, Cannes…), ou encore, de manière plus exceptionnelle, de dessinateurs (cf. liste des albums en annexe). 

Les artistes cèdent leurs photos gracieusement à l’organisation, tout comme les contributeurs, l’agence de publicité et les réseaux de distribution et de promotion soutiennent RSF, et la quasi intégralité des bénéfices revient à l’association. 

Cette architecture basée sur le mécénat influe grandement sur les méthodes de travail : souplesse et diversité d’interlocuteurs.

Cet album est important pour RSF à plusieurs titres :

  • Ses ventes représentent une part importante des fonds levés par RSF chaque année pour financer ses activités (environ 1/3)
  • Il jouit d’une certaine notoriété et permet de faire parler régulièrement de l’organisation autour des sorties, notamment dans les médias.
  • Il est un vecteur d’image pour RSF au carrefour entre engagement et ‘art journalistique’ (travail des photographes)

 

Tirage et diffusion

 

Depuis quatre ans, l’album connait un regain de succès grâce à une nouvelle formule et un travail de fond avec les diffuseurs, et séduit 150 000 acheteurs chaque année.

Avec le tirage et les ventes les plus importantes de France pour une publication photo, l’album a acquis une certaine notoriété qui s’explique à la fois par la qualité des photos publiées, un prix accessible à tous (9,90 €) et la dimension engagée d’un tel achat.

Deux réseaux de diffusion : 

  • Marchands de journaux (par Presstalis - environ 80% de la diffusion) ;
  • Librairie (par Interforum, environ 20%)

Diffusion internationale : ces albums bilingues français-anglais sont diffusés en France et dans près de 30 pays dont l’Allemagne, la Belgique, le Canada, l’Espagne, l’Italie et et la Suisse.


Prix TTC: 9,90 €

 

 

Promotion

 

Les médias se font l’écho de la parution de chaque album : les JT présentent tous le nouveau numéro. La presse spécialisée, les newsmag, les pure-players mentionnent également la sortie. Un bureau de presse dédié, spécialisé dans le secteur de la photo, assure ce pan de la promotion.

Une campagne d’affichage accompagne les parutions.

 

Rubricage

 

L’album est divisé en deux grandes parties : un cahier d’une trentaine de pages consacré aux médias, puis le  portfolio, consacré au travail d’un photographe, et émaillé de contributions de personnalités.

Il comporte 12 à 14 pages de publicité, réparties au fil de la publication, à l’exception du portfolio.

 

Planning de publication

 

Trois fois par an, les premiers jeudis des mois de Mars, juillet et novembre.


 

2 – Direction artistique

 

 

Les albums RSF souffrent de la crise globale du livre et de la presse. Ils sont soumis à des aléas de vente liés à la notoriété du photographe choisi, l’attractivité du sujet, l’intérêt du moment, etc.

Enfin, le public est de moins en moins prêt à payer pour la photographie, et il devient difficile de créer l’événement de façon systématique et soutenue.

 

 

Attentes

 

Cette nouvelle formule doit permettre de valoriser les activités de RSF, augmenter les ventes, et renouveler la proposition visuelle.

La formule qui sera mise en place par la nouvelle direction artistique s’articulera autour de :

 

- l’identité des albums,

- la couverture,

- la typo,

- des principes graphiques pour chaque rubrique et éléments récurrents (carte du monde, ouvertures, exergues, têtières, bulletin d’abonnement…)

- un portfolio restant épuré et proche des pages d’un beau livre, ménageant une place à la narration.

Cette nouvelle formule imprime un ton artistique, vivant et sérieux. Elle invite à la lecture, en étant accessible. 

 

Mission

 

La mission comprend :

 

  • Conception et réalisation graphique originale des albums de la collection 100 Photos pour la liberté de la presse de RSF, sous la direction du rédacteur en chef des albums, et en collaboration avec la chargée d’édition
  • Conception et réalisation graphique originale des plaquettes commerciales des albums et des dossiers de presse des albums sous la direction du rédacteur en chef des albums, et en collaboration avec la chargée d’édition,
  • L’accompagnement de RSF sur certains aspects de fabrication, notamment le choix des papiers et des couleurs.
  • La coordination avec le photograveur et l’imprimeur, et l’envoi de fichiers conformes aux échanges avec RSF et répondant aux exigences techniques du photograveur et de l’imprimeur,
  • Le contrôle des traceurs ainsi que le suivi d’impression en lien avec RSF.
  • En option : présence au calage, réalisation de l’affiche de promotion des albums, réalisation de contenus pour le site web / les réseaux sociaux

  

Enfin, le directeur artistique est force de proposition graphique et formule des recommandations sur les couvertures et les images à mettre en avant auprès de la presse. 

 

 

Référents

 

Les référents du directeur artistique sont :

-       Le rédacteur en chef et la chargée de projet édition sur la partie éditoriale ;

-       La directrice de la communication sur la partie promotion (affiches, dossier de presse et le cas échéant, contenus pour les réseaux sociaux)

 

 

Le travail demandé pour répondre à l’appel d’offres

 

Les candidats travailleront sur l’hypothèse fictive d’un album consacré à René Burri. 

Sur cette hypothèse de publication fictive, les candidats sont invités à proposer :

 

-     Un à trois essais de couverture,

-     La mise en page d’un article,

-     Trois doubles de portfolio accompagnées de texte (cf. annexe),

-     Une note d’intention d’une à deux pages.

 

Le contrat comportera en option la réalisation de l’affiche kiosques de promotion de l’album. Les candidats qui le souhaitent peuvent également proposer un essai en ce sens.

 

Les répondants sont libres de formuler toute proposition d’optimisation qu’ils jugeront pertinente ou souhaitable, en justifiant sa valeur ajoutée pour le projet.

 

 

Points d’attention

 

Sur la couverture, l’enjeu est d’organiser la présence de la marque RSF, du nom de la collection « 100 photos pour la liberté de la presse », et celle d’une personnalité invitée, par exemple : 

 

RENÉ BURRI

vu par Catherine Deneuve

 

Garder à l’esprit qu’en kiosque, c’est la partie gauche de la couverture qui est visible et que le centrage actuel ne permet pas une visibilité idéale en rayon.

Enfin, l’album étant une monographie qui propose des images qui ont déjà été publiées, il est important de mettre en avant les raisons pour lesquelles on achète cet album, à savoir :

 

  • Soutenir RSF,
  • Découvrir en quelques centaines de pages le travail d’un artiste,
  • Offrir un cadeau qui a du sens.

Pour terminer, la proposition doit être en adéquation avec la cible. L’album est une publication populaire, accessible sur le plan éditorial comme en raison de son prix, en bref, fédératrice.

 

 La question du rapport textes / images est le deuxième enjeu à traiter. La ou le directeur artistique devra proposer des dispositifs permettant de raconter davantage le travail d’un artiste (que ce soit à la première personne, par un légendage plus conséquent ou encore en ponctuant le portfolio avec des espaces de texte). 

Identité. A noter, la nouvelle maquette de l'album sera lancée en même temps que la nouvelle plateforme de marque de l'organisation. Une réflexion conjointe avec l'agence de publicité en charge du projet sera menée, permettant de garder une cohérence forte entre les supports édités par RSF.

 

 

 

Caractéristiques techniques

 

Format 210 x 285 mm 

 

Les albums sont actuellement imprimés sur les papiers suivants :

  • Papier de couverture : Stucco old Mill 320 gr ou carte couchée 2 faces
  • Papier intérieur : couché demi mat ou mat 125g, 130 g ou 135g (BRO silk 130 gr ou équivalent)


Budget


Fourchette de 6 000 à 8 500 euros HT par album, pour la globalité de la prestation 

(présence calage et affiches comprises)

 

 

 

3 - Conditions de l’appel d’offres

 

 

 Calendrier

 

Publication appel d’offres : le 18 septembre 2019

Questions concernant le cahier des charges : du 18 au 29 septembre 

Réponses de RSF aux questions des candidats : le 1er octobre 2019

(les éventuelles réponses seront partagées avec tous les répondants sur le site de RSF)

Clôture de l’appel d’offre le 14 octobre

Sélection du prestataire : entre le 21 octobre et le 4 novembre

Début de la mission immédiat.

 

 

Rémunération des projets

 

Les projets de participation à l’appel d’offre ne seront pas rémunérés.

 

 

Eléments attendus dans l’offre 

 

Les réponses à cet appel d’offre devront comporter les éléments suivants et dans cet ordre:


1. Méthode de travail et essais


a. Méthode de travail (équipe, emplacement, éventuelles contraintes, disponibilité et
horaires de travail …),
b. Note d’intention
c. Les trois essais demandés, et en option, l’essai d’affiche.
Barème : 50 points

2. Proposition tarifaire : remplir le bordereau en annexe
Barème : 30 points

3. Références
Barème : 20 points

Si les présentations orales ne sont pas prévues, elles peuvent être demandées en cours de sélection. 

3.5 Contrat

 

Lors de l’appel d’offres, Reporters sans frontières partagera un projet de contrat aux candidats interrogés. 

Les éventuelles remarques seront à transmettre lors des remises des offres techniques et financières. Sans remarques le projet de Contrat sera considéré comme accepté.

 

3.6 Règlement de consultation

 

La participation à cette consultation n'entraîne pas de fait l'attribution du contrat.

La réponse à la présente consultation suppose l'acceptation de l’ensemble des clauses et contenu des documents composant le dossier de consultation présenté, ainsi que celles des cahiers des charges, du projet de contrat et de leurs annexes. 

Le Soumissionnaire sera considéré comme s'étant assuré de l’exactitude et de la suffisance de son offre. L’offre devra couvrir l’ensemble des conditions techniques et commerciales stipulées dans les documents de la consultation ainsi que tous les points nécessaires ou utiles pour la réalisation de la prestation.

Le soumissionnaire sélectionné ne devra pas avoir fait l’objet pendant l’année précédant la réponse à la présente consultation, d’une procédure ou de l’ouverture d’une procédure de redressement et/ou de liquidation judiciaire et devra avoir souscrit les assurances professionnelles se rapportant à ses activités. Dans le cas contraire, le Soumissionnaire s’engage à en informer Reporters Sans Frontières pendant le processus de consultation et avant la remise de l’offre.

Reporters sans frontières se réserve la possibilité d’interrompre ou reporter la présente consultation sans qu’il soit dû la moindre indemnisation aux sociétés consultées.

Reporters sans frontières pourra décider d’arrêter le processus de sélection et de négociation à tout moment sans que Reporters sans frontières puisse être tenue pour responsable de la part du fournisseur consulté d’une perte ou de dommages pour quelque raison que ce soit, pour quelque montant que ce soit.

 

 

Annexes

 

 

 

ANNEXES

 

 

 

1.    Historique des albums 

 

Mars-18

F. Huguier

Déc-17

Depardon / JO

aout-17

Thomas Pesquet

avr-17

Yann Arthus-Bertrand

déc-16

Magnum / Jazz

juil-16

« Sur la route »

avr-16

Sebastiao Salgado

déc-15

Robert Capa

juil-15

Jean-Marie Périer

mai-15

AFP

déc-14

National Geographic

sept-14

Peter Lindbergh

mai-14

Agence VII

déc-13

Cartooning for peace

sept-13

Ai Weiwei

mai-13

P. Pellegrin

déc-12

Sam Shaw

sept-12

Mc Curry

mai-12

Martin Parr

déc-11

Izis

sept-11

Inde

mai-11

Burri

déc-10

Burnett

sept-10

Boulat

mai-10

Magnum

déc-09

Géo

sept-09

Nature / Minden

mai-09

MCCullin

déc-08

H&K

sept-08

Reza

mai-08

B. Rheims

déc-07

S. Weiss

sept-07

Y. Arthus Bertrand

mai-07

Cannes

nov-06

Harcourt

juin-06

Foot

mai-06

Gilles Caron

nov-05

J.P. Charbonnier

juil-05

Tour de France

mai-05

Jeanloup Sieff

nov-04

J. Dieuzaide

mai-04

D. Issermann

nov-03

Helmut Newton

mai-03

P. Plisson

nov-02

E. Boubat

mai-02

Y. Arthus-Bertrand

nov-01

William Klein

mai-01

Willy Ronis

mai-00

Robert Doisneau

mai-99

H. Cartier-Bresson

mai-98

Marc Riboud

mai-97

Raymond Depardon

mai-96

Sebastiao Salgado



 

 

2.    Retroplanning type

 

Les périodes prévisionnelles de mise en vente des albums de photographies sont les suivants :
- 7 mars
- 7 juillet
- 7 novembre


Le prestataire s’engage à respecter le rétroplanning suivant et à tout mettre en œuvre pour le faire respecter par les prestataires de RSF et les photographes / agences participant au projet.


- 5 à 6 mois avant la date de publication
Thématique validée auprès du photographe / Agence
Première proposition de contributeurs / enrichissements


- 3 à 4 mois avant la date de publication
Mise en place du chemin de fer complet
Brief portfolio, dossier de presse et plaquette commerciale


- J-40 : Livraison des fichiers définitifs à l’imprimeur / Bureau de fabrication
- J -30 : Impression des albums

 

3.    Contenu texte pour les essais

 

Les candidats sont invités à réaliser trois essais :

Les contenus textes sont les suivants :

PORTFOLIO

 

ZOOM – ERNESTO GUEVARA PAR RENE BURRI /// 2700 signes 

 

“On October 9th, 1967, professional revolutionary Ernesto Guevara de la Serna, better known as Che Guevara, was executed by Bolivian armed forces. Che Guevara, the Argentine-born Marxist revolutionary and Cubanguerrilla leader, became part of Fidel Castro’s efforts to overthrow the Batista government in Cuba. Later, he became president of the Cuban national bank and encouraged a shift of the country’s trade relations from the United States to the Soviet Union. Three years later, he was appointed minister of industry. Guevara left this post in 1965 to export the ideas of Cuba’s revolution to other parts of the world. In 1966, he began to try to incite the people of Bolivia to rebel against their government, but was captured and killed in La Higuera by the Bolivian army on October 9, 1967.

In 1962 René Burri visited Havana on commission for Look magazine. One of the resultant portraits of Guevara smoking a cigar became an iconic image of the 20th century. For the book Contact Sheets, René Burri told the story behind the photograph:

 

 “I arrived with the US reporter Laura Berquist from Look magazine. Che had invited her when they met at the end of 1962 in New York. I immediately realized that the blinds were closed. Since this posed a technical problem, I asked him, ‘May I open the blinds?’ And he said, ‘No, it’s not necessary.’ Only later did I realize that he was so focused on what he was doing that he didn’t want to see what was going on outside.

The interview began right away, and after a while they simply ignored me. The conversation became heated. Sometimes he would speak with a certain charm, but sometimes he would grab some papers. I have a photo of him jotting down figures. From time to time he would get up and leave, and he would always come back wearing his officer’s boots and combat fatigues. I remember that when he bit off the tip of his cigar, I expected him to offer me one, but he was so immersed in the discussion, which was lucky for me because I was simply ignored for two whole hours. He never once looked at me, which was extraordinary. I was moving all around him, and there isn’t a single photograph in which he appears looking at the camera.

Magnum distributed the story all over the world. In 1966, some friends asked me, ‘René, can we make a poster?’ And they made a huge poster framed exactly like Che’s photograph. And from that moment on, it all began. People wanted to have the photo. The real boom was in Paris, in May 1968, when the photo appeared on flags. Later, when I returned to Havana, I saw my photo on T-shirts at the Ministry of Information, and I even bought some for my children. I told the salesperson, ‘That photo is mine!’ And I bought my T-shirts.”

 

LÉGENDE COURTE /// 50 – 100 signes

Rene Burri, Ernesto Guevara, Havana, Cuba. 1963. © Rene Burri | Magnum Photos

 

LÉGENDE LONGUE /// 400 - 600 signes

Rene Burri Portrait of Ernesto Guevara (Che), Argentinian politician (1928-1967). Doctor, companion of Fidel Castro (1956-1959), minister of industry. He developped revolutionary elements in Latin America, and participated in Bolivian guerillia warfare during which he was captured and later died. Here, during an exclusive interview in his office at the Ministry of industry with René Burri in Havana, Cuba. 1963. 

 

ARTICLE


Interview

Riss : « La presse est un combat. Le dessin aussi »

Laurent Sourisseau, dit Riss, collabore à Charlie Hebdodepuis 1992 et en dirige la rédaction depuis 2009. Blessé à l’épaule lors de l’attentat du 7 janvier 2015, il a succédé à Charb, tué avec dix autres membres du journal, à la direction de la publication. Visé par une fatwa, protégé nuit et jour par plusieurs policiers, travaillant dans le bunker qu’est devenu son journal, il ne cède rien sur la liberté de dessiner, de critiquer et de rire.

 

Comment le dessin survit-il, avec sa simplicité de trait, dans un monde saturé d’images toujours plus fascinantes ?

Regarder un dessin semble facile. Mais une fois que le lecteur regarde, il faut l’amener à la difficulté. Par une perception sensible, le dessin doit communiquer ce que l'écrit ne peut pas faire passer. Par exemple, lors d’un reportage à Verdun, il pleuvait. J’ai dessiné la pluie, ça foutait le cafard, mais c’était justement l'ambiance du reportage qui devait être retranscrite. 

Quand la photo n’est pas autorisée (par exemple dans les procès), le dessinateur a le monopole de l'image. Et lorsqu’il ne peut même pas dessiner, il mémorise pour retranscrire ce qu’il a vu. Là où la photographie cadre son sujet, le dessin tord la perspective. C’est un moyen de représentation puissant : le dessinateur peut mettre au premier plan ce qu’il veut communiquer.

 

Comment distinguez-vous les meilleurs dessins ? 

Nous renonçons à publier certains dessins, parce que l'idée manque de clarté ou que l’interprétation pourrait en être erronée. Parfois on a envie de dessiner sur un sujet, puis à mesure que les idées fusent, on oublie le point de départ. Un dessin doit être direct : un sujet, une idée. Même quand on dessine de manière très claire pour nous, les lecteurs se livrent à des interprétations plus larges. Un dessin est un pari parce que qu’il est le fruit d’une contraction : on dessine selon un énoncé et on amène directement à une conclusion. Cavanna disait : « Un dessin est marrant quand le lecteur pense se prendre un coup de poing dans la gueule et en fait il se prend un coup de pied au cul ! »Je pense que ça amuse le lecteur de s'être fait piéger par le dessin : c’est cela, le procédé humoristique. Chez Charlie, les gens ont envie de se marrer. Nous voulons commencer par nous surprendre nous-mêmes, pour surprendre le lecteur. Pour être dessinateur chez Charlie, il faut accepter de montrer son cul à tous les passants. 

Quel sentiment avez-vous de votre liberté aujourd’hui ? 

Charlie Hebdon'a jamais connu d'époque confortable. Nous avons toujours eu énormément de procès, des interdictions. Dans les années 1990, une association catholique cherchait à nous censurer par du harcèlement judiciaire et nous ruiner. Aujourd’hui, il n’y a plus de censure d’État, comme à l’époque où le ministre de l’Intérieur de Charles avait fait interdire Hara Kiri, mais nos détracteurs sont pléthore. Du coup, ça nous force à argumenter pour trouver les faiblesses de ces groupes qui racontent parfois n’importe quoi. Ça nous oblige à être plus exigeants et pointus avec nous-mêmes. Les créateurs de Charliesavaient que leur humour et leurs propos ne plairaient pas à tous les Français, mais ils se disaient qu’il y aurait bien 50 000 personnes en France pour rire à leurs blagues. Nous nous adressons à des gens qui ont la même sensibilité que nous, mais on ne prétend pas représenter l’humour français.  

Comment convainc-t-on de nouveaux talents d’entrer à la rédaction, après une tragédie telle que celle de Charlie ? 

Le dessin de presse demande d’assurer sur la forme et le fond, d’avoir des opinions, de s’intéresser à l’actu, prendre parti, assumer les polémiques, les poursuites en justice et les violences. Si on est dans la peur, il ne sert à rien de rester à Charlie Hebdo. Même avant janvier 2015, les dessinateurs n’étaient pas à l’aise pour défendre Charlieen entier. Mais notre force, c’est notre esprit de bande : malgré nos modes d’expression différents, les mêmes choses nous font rire ou réagir. Nous voulons de chaque dessinateur qu’il ait son univers à lui, son ton, son humour, ses fantasmes, ses délires. Comme une signature : il faut tout de suite que l’on voie de qui ça vient. 

Et votre réaction face à la montée du politiquement correct ?

Le politiquement correct se diffuse avec la multiplication d‘associations qui défendent un tas de trucs précis. Mis bout à bout, ça crée une somme d’intérêts légitimes, mais qui produisent une société complètement fragmentée… Nous avons une vision universaliste qui nous oblige à être plus malins. Et puis parfois, nous acceptons l’affrontement : il ne faut pas avoir peur de recevoir des coups et d’en donner. La presse, c’est vraiment un combat, et le dessin aussi : si on a peur des polémiques, à la fin on ne dit plus rien. 

Propos recueillis par Perrine Daubas

 

 

 

 

 

 

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