"Zéro tolérance pour la presse" : enquête sur l'assassinat du journaliste Brignol Lindor

Neuf mois après la mort du journaliste Brignol Lindor, Reporters sans frontières publie un rapport sur l'état d'avancement de l'enquête. Il révèle que les exécutants, comme les instigateurs de l'assassinat, n'ont pas été inquiétés, et dénonce de "graves anomalies" donnant à penser que les institutions couvrent les auteurs du meurtre.

Neuf mois après l'assassinat du journaliste Brignol Lindor (photo cr. HPN), Reporters sans frontières et le réseau Damoclès, dont deux représentants se sont rendus en Haïti en juillet 2002, publient un rapport sur l'état d'avancement de l'enquête. Journaliste de la radio Echo 2000, Brignol Lindor avait été battu à mort le 3 décembre 2001 par des partisans de Fanmi Lavalas, le parti du président Aristide, liés aux autorités politiques locales. Le rapport publié par les deux organisations (disponible sur le site www.rsf.org) révèle que les exécutants comme les instigateurs de l'assassinat n'ont pas été inquiétés. Il souligne également qu'au-delà de l'absence endémique de moyens de la police et de la justice en Haïti, l'enquête sur la mort de Brignol Lindor présente de graves anomalies. Parmi celles-ci, l'absence d'enquête sur le terrain du juge et de la police, la non- exécution par la police des mandats contre des assassins présumés pourtant aperçus dans la zone, et la faible activité du juge en matière d'audition des témoins. Comme dans l'enquête sur l'assassinat, en avril 2000, du journaliste Jean Dominique, ces graves anomalies donnent à penser que les institutions couvrent les auteurs du meurtre du journaliste. Un constat conforté par l'absence de condamnation claire de la part du président Aristide des lynchages publics pratiqués en application de la politique de "zéro tolérance". Au-delà de la grave atteinte à la liberté de la presse que représente ce crime, c'est toute la politique de "zéro tolérance" qui est en cause et la légitimation des exécutions extrajudiciaires par la population ou des groupes paralégaux. Au terme de leur enquête, Reporters sans frontières et le réseau Damoclès formulent des recommandations à l'attention des autorités judiciaires, policières et pénitentiaires. Les deux organisations demandent également au président Aristide "de condamner explicitement tout lynchage public et de préciser clairement que la politique de "zéro tolérance" s'inscrit exclusivement dans le cadre légal". Enfin, elles recommandent à l'Union européenne et au Congrès américain de prendre des sanctions individuelles (refus de visa d'entrée et de transit pour les personnes citées et leur famille, gel de leurs fonds déposés à l'étranger) à l'encontre des officiels haïtiens qui, par action ou par omission, entravent l'enquête sur l'assassinat de Brignol Lindor. Les officiels concernés sont Jean-Bertrand Aristide, président de la République d'Haïti ; Yvon Neptune, Premier ministre ; Jean-Baptiste Brown, ministre de la Justice et de la Sécurité publique ; Jeannot François, directeur de la police judiciaire. Lire le rapport
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Updated on 20.01.2016