Visite du président turc en France : M. Erdoğan doit cesser d'écraser la liberté d’informer !

Alors que le président français Emmanuel Macron s’apprête à recevoir son homologue turc Recep Tayyip Erdoğan, Reporters sans frontières (RSF) souligne l’urgence de défendre la liberté de la presse en Turquie. Pour l’organisation, la répression sans précédent des journalistes est un facteur de déstabilisation pour la Turquie et l’Europe toute entière.

C’est la première visite en France du président Erdoğan depuis la tentative de putsch de juillet 2016. Un bain de sang qui a plongé la Turquie dans une spirale liberticide sans précédent. Déjà très préoccupante, la situation des médias est devenue critique : à la 155e place sur 180 au dernier Classement mondial de la liberté de la presse de RSF, la Turquie est désormais la plus grande prison du monde pour les professionnels des médias. Près de 150 médias ont été fermés, réduisant le pluralisme à une poignée de journaux harcelés.


Emmanuel Macron a promis le 3 janvier de “continuer à évoquer avec la Turquie la situation des journalistes emprisonnés, empêchés d’exercer leur métier, dans quelques jours”.


“Monsieur le Président, nous comptons sur vous pour tenir votre engagement et demander fermement la restauration du pluralisme et la libération des journalistes injustement emprisonnés en Turquie, déclare Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. La stratégie de la tension du président Erdoğan, qui électrise le climat politique et empêche la population de débattre démocratiquement, est lourde de menaces pour la Turquie comme pour l’Europe. Elle risque d’accroître l’instabilité et d’accentuer les profondes lignes de fracture d’une société très polarisée. Personne n’a intérêt à laisser la Turquie devenir ce pays imprévisible.”


La grande majorité des journalistes turcs emprisonnés sont en détention provisoire, en attente de leur jugement, depuis plus d’un an. Parmi eux, le journaliste d’investigation Ahmet Şık, interrompu au bout de deux minutes et exclu du tribunal la dernière fois qu’il a comparu ; l’éditorialiste Şahin Alpay, écroué depuis plus de 500 jours malgré ses 73 ans et ses problèmes cardiaques ; ou encore le célèbre journaliste Ahmet Altan, qui risque trois peines de prison pour avoir envoyé de soit-disant “messages subliminaux” lors d’une émission de télévision.


La plupart sont accusés de liens avec des organisations terroristes ou de complicité avec la tentative de putsch, des chefs d’accusation passibles de la prison à vie. Mais en pratique, des propos critiques du pouvoir, une collaboration avec un média “suspect”, un contact avec une source sensible ou l'usage d'une messagerie cryptée suffisent souvent à faire jeter un journaliste en prison, sans que la justice estime nécessaire de prouver une quelconque implication individuelle dans des activités criminelles.

Publié le
Mise à jour le 04.01.2018