Verdict historique en Ouzbékistan : Bobomourod Abdoullaïev et Hayot Nasriddinov libérés

Le journaliste Bobomourod Abdoullaïev, le blogueur Hayot Nasriddinov et leurs deux co-accusés ont été libérés le 7 mai 2018 au terme de leur procès. Tout en regrettant que le journaliste ne soit pas acquitté, Reporters sans frontières (RSF) prend acte d’un verdict historique et appelle les autorités ouzbèkes à mener une enquête complète et impartiale sur les actes de torture dont il a fait l’objet.

Après plus de sept mois en détention provisoire, le journaliste Bobomourod Abdoullaïev est enfin libre. Ainsi en a décidé le tribunal municipal de Tachkent, le 7 mai, au terme d’un procès ouvert deux mois plus tôt. Le journaliste a toutefois été reconnu coupable d’“appels publics au renversement du régime” et subira une retenue sur salaire de 20% pendant un peu plus d’un an. Ses trois co-accusés, dont le blogueur Hayot Nasriddinov, arrêté en octobre 2017, ont été acquittés.


Dans son jugement, le tribunal souligne par ailleurs les nombreuses infractions commises au début de l’enquête par les agents du Service de la sécurité nationale (SGB, ex-SNB). Il appelle le SGB à mener une enquête interne et à assurer le respect du code pénal par ses collaborateurs.


“Nous regrettons que Bobomourod Abdoullaïev n’ait pas été acquitté. Mais sa libération, et le fait qu’il ait pu se défendre publiquement pendant son procès, étaient inimaginables il y a peu, souligne Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF. Nous encourageons les autorités à poursuivre sur ce chemin, en menant une enquête complète et impartiale sur les manipulations et les actes de torture sur lesquels étaient fondée l’enquête. Ce verdict constitue un signal fort, mais des réformes en profondeur sont désormais nécessaires pour mettre fin à la censure et s’assurer que plus aucun journaliste ne puisse vivre un tel calvaire.”


Arrêté le 27 septembre 2017, Bobomourod Abdoullaïev était initialement accusé d’avoir ourdi une tentative de coup d’Etat et d’avoir écrit une série d’articles incitant au renversement de l’ordre constitutionnel sous le pseudonyme d’“Ousman Khaknazarov”. S’il a reconnu avoir utilisé ce pseudonyme auparavant, le journaliste a catégoriquement nié être l’auteur des articles incriminés.


Pendant sa détention provisoire, Bobomourod Abdoullaïev a été torturé, insulté et menacé de mort. Dans une lettre ouverte au président de la République Chavkat Mirzioïev, fin avril, il racontait que les enquêteurs du SNB l’avaient violenté pour le forcer à témoigner contre lui-même et plusieurs figures de l’opposition. Des déclarations qu’il a réitérées lors de son procès, ouvert pour la première fois aux observateurs. De nombreux journalistes, diplomates et défenseurs des droits humains sont venus y assister.


Arrivé au pouvoir en 2016, le président Chavkat Mirzioïev promet d’en finir avec la répression et l’arbitraire qui ont marqué le règne de son prédécesseur, Islam Karimov. Après avoir fait libérer plusieurs prisonniers politiques, dont des journalistes incarcérés depuis près de 20 ans, il a limogé le tout-puissant chef du SNB et annoncé une profonde réforme de cette structure. Mais si les signes de dégel se multiplient, les médias restent largement sous contrôle et les principaux sites d’information indépendants restent inaccessibles dans le pays.


L’Ouzbékistan se situe à la 165e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse 2018 de RSF, en hausse de quatre places par rapport à l’année précédente.
Publié le
Mise à jour le 08.05.2018