Une semaine après la prise de pouvoir par l’armée, les atteintes à la liberté de l’information se multiplient

Une semaine après la destitution de Mohamed Morsi et la prise de pouvoir par l’armée, Reporters sans frontières s’inquiète de la situation de la liberté de l’information en Égypte qui continue de se dégrader, rappelant le mauvais souvenir de l’expérience autoritaire du Conseil suprême des forces armées, en 2011. Depuis le 4 juillet 2013, les exactions perpétrées à l’encontre des professionnels de l’information, égyptiens et étrangers, se sont multipliées.

Le 8 juillet 2013, suite à un rassemblement pro-morsi devant les bâtiments de la Garde Républicaine, au Caire, l’armée a ouvert le feu sur les manifestants. Selon le ministère de la Santé, les fusillades ont fait 51 morts dont le photographe du journal Al-Horreya-Wal-Adalah (“Liberté et Justice”), Ahmed Samir Assem El-Senoussi, alors présent. Des barrages militaires aux abords des routes menant au rassemblement ont empêché les journalistes de couvrir les évènements. Le correspondant de CNN, Ben Wedeman, s’est vu interrompre son live non loin de la place Tahrir, par des militaires, qui ont confisqué la caméra. Le matériel journalistique de Rassd news a aussi été confisqué par les autorités militaires. En outre, le correspondant allemand de la chaine RTL, Dirk Emmerich, et son équipe ont été interpellés par les forces de sécurité, alors qu’ils couvraient le rassemblement, et ont été relachés 7h plus tard. Lors de la conférence de presse, le lundi 8 juillet, le porte parole de l’armée a invité les “non-egyptiens” (journalistes compris) à s’éloigner des rassemblements et des bâtiments militaires.

Les médias soutenant la thèse du “coup d’état militaire”, notamment CNN et Al-Jazeera, font l’objet d’intimidations et de censure de la part des autorités intérimaires. Plusieurs journalistes étrangers ont fait part de leur sentiment d’insécurité dans l’exercice de leur activité professionnelle. Al-Jazeera a été vivement critiquée pour sa couverture des récents évènements, et son parti pris “pro-morsi”, d’où son surnom “Al Jazeera Ikhwan”. Le 3 juillet, la police a effectué un raid dans les locaux de la chaîne Al-Jazeera Mubasher, et a arrêté les membres de l’équipe. Le directeur de la chaîne n’a été libéré que le 6 juillet, en échange d’une caution de 10 000 livres égyptiennes (environ 1100 euros). Le directeur du siège d’Al-Jazeera au Caire, Cheif Abdelfatah Fayed, a quant à lui été interpellé dimanche 7 juillet, pour “trouble à l’ordre public et menace à la sécurité nationale”. Les journalistes d’Al-Jazeera ont, en outre, été expulsés de la conférence de presse du 8 juillet, à l’initiative des autres journalistes présents qui les ont hués. La censure des médias de la “nouvelle opposition” pro-morsi ou pro-Frères musulmans n’est toujours pas levée. Les chaînes télévisées soutenant les Frères Musulmans, Misr25 (la chaine du parti Liberté et Justice), Al-Nas, Al-Hafiz et Al-Rahma, n’ont pas été autorisées à reprendre leurs émissions tandis que le journal du parti Liberté et Justice n’a pu être imprimé à plusieurs reprises.

L'organisation demande au pouvoir intérimaire de cesser immédiatement les mesures arbitraires de censure, d’interpellation et d’entrave à l’accès à l’information. Le pouvoir doit respecter sa feuille de route et établir dans les plus brefs délais un gouvernement civil et démocratique, garantissant la protection des libertés fondamentales, dont le droit à l’information, reconnu à tous, sans distinction politique.
Publié le
Updated on 20.01.2016