Une femme journaliste décapitée à Nuevo Laredo, un jeune disparu à Veracruz : "Quelle issue à l’horreur ?"

María Elizabeth Macías, chef de la rédaction du quotidien Primera Hora, édité à Nuevo Laredo, dans l’Etat de Tamaulipas (Est), a été retrouvée décapitée, le 24 septembre 2011. Âgée de 39 ans, elle est la quatrième femme journaliste assassinée depuis le début de l’année, après les assassinats, le 31 août dernier, de Rocio González Trápaga, ancienne reporter de Televisa, et Ana María Marcela Yarce Viveros, fondatrice et journaliste de la revue hebdomadaire Contralínea dans le District Fédéral, et celui de Yolanda Ordaz de la Cruz, éditorialiste du quotidien régional Notiver, le 26 juillet 2011 dans l’État de Veracruz. “Le cap des 80 journalistes tués en une décennie a été franchi en cette année 2011, au fil de crimes chaque fois plus abominables. Aucune issue à l’horreur ne se dessine alors que le pays plonge dans une guerre totale où écrire le seul mot de ‘trafic’ ou ‘narcos’ peut coûter la vie. Que restera-t-il de liberté d’information tant que dureront la barbarie et l’impunité ? Cette faillite d’un pays ne se résoudra pas avec les élections attendues. La communauté internationale doit exiger des autorités mexicaines qu’elles rendent comptes régulièrement de l’état de la lutte contre l’impunité. Le gouvernement fédéral des Etats-Unis doit, quant à lui, imposer ce contrôle drastique sur les armes sans lequel la tragédie mexicaine continuera”, a déclaré Reporters sans frontières. Selon plusieurs sources, María Elizabeth Macías utilisait les réseaux sociaux pour informer des activités du crime organisé dans la région. Elle tenait un blog sous le pseudonyme "la Nena de Nuevo Laredo". Selon le parquet de justice de l’Etat de Tamaulipas, deux claviers d’ordinateur, un lecteur de musique et plusieurs câbles ont été retrouvés à proximité de son corps, avec ce message : "Ok Nuevo Laredo en direct des réseaux sociaux, je suis la Nena de Laredo et je suis là à cause de mes rapports et les vôtres… pour ceux qui ne veulent pas croire, ceci m’est arrivé à cause de mes actions, pour avoir confiance en SEDENA et MARINA… Merci de votre attention. Att ; La Nena de Laredo… zzz", disait le message utilisant le pseudonyme de la journaliste. Ce type d’avertissement a déjà été utilisé contre des usagers des réseaux sociaux qui osent parler de narcotrafic. Le 13 septembre dernier, toujours à Nuevo Laredo, deux corps torturés ont été retrouvés pendus à un pont, portant des messages adressés aux contributeurs des sites "Al rojo vivo" et "Blog del Narco". Disparition et exils
Spécialisé dans des faits-divers pour le journal El Mañanero de Acayucan, au sud de l’État de Veracruz, et collaborateur des quotidiens El Diario de Acayucan, Tribuna del Sur et La Verdad, Manuel Gabriel Fonseca Hernández n’a plus donné de nouvelles depuis le 19 septembre 2011. D’après ses proches, le jour de sa disparition, le jeune journaliste serait parti réaliser des interviews dans le cadre d’une enquête pour son journal principal. Nouvel épicentre de la terreur depuis le début de l’année 2011, Veracruz vient de connaître une autre semaine de violences et d’exils. Les découvertes de charniers s’accompagnent trop souvent de brutalités contre les journalistes présents. Ainsi, le 23 septembre, Jorge Flores, de W Radio, Juan Carlos Alarcón, de la station MVS Noticias, et Arturo Moreno, de l’agence Notimex, ont été retenus sous la menace d’armes à feu et contraints d’effacer leur travail par des fonctionnaires de l’Agence d’investigation de Veracruz (AVI), devant les bâtiments de médecine légale de Boca del Río. Le gouvernement de l’État a été incapable de fournir la moindre explication à ces abus de pouvoirs. Rafael Pineda, surnommé Rapé, collaborateur des revues El Chamucho et Zócalo et du journal Milenio et caricaturiste de la campagne "¡Basta de Sangre !" - “No + sangre”, relayé par Reporters sans frontières, a informé sur son compte Twitter, le 22 septembre, de son départ de l’État de Veracruz pour raisons de sécurité. Cet exil s’ajoute à celui d’une quinzaine de collègues au cours des deux derniers mois. Le bilan de l’offensive fédérale contre le narcotrafic, lancée en décembre 2006, s’élève à ce jour à 50 000 morts. L’exercice de la profession de journaliste devient impraticable, alors que les autorités fédérales tardent toujours à appliquer un nouveau protocole de sécurité signé depuis un an. Dessin : Rapé
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Mise à jour le 20.01.2016