Un "recul de plusieurs siècles" : le délit de "blasphème" puni de 25 000 euros

Reporters sans frontières dénonce avec la plus grande fermeté l’entrée en vigueur en Irlande, le 1er janvier 2010, d'une loi sur la diffamation qui officialise et punit d’une amende de 25 000 euros le délit de "blasphème". L’article 36 de la nouvelle loi s'applique à toutes les religions et définit ainsi le blasphème : "Des propos grossièrement abusifs ou insultants sur des éléments considérés comme sacrés par une religion, et choquant ainsi un nombre substantiel de fidèles de cette religion." La loi précise par ailleurs que "les juges tiendront compte de la valeur littéraire, artistique, politique, scientifique ou académique des propos tenus". "Originellement prévue pour actualiser le droit de la presse, cette loi, déjà fort discutable, va bien au-delà du simple aménagement. La définition du blasphème établie laisse place au plus grand arbitraire. Qui jugera ou définira le caractère sacré d’une conviction qui n’est en général déterminé que par ceux qui la partagent ? A partir de combien de 'fidèles' le nombre devient-il substantiel ? Qui établira cette curieuse comptabilité ?", a affirmé l'organisation. « La notion même de blasphème ne concerne que les croyants et ne peut s’appliquer à ceux qui se revendiquent athées ou sans religion. Le blasphème ne peut en aucun cas constituer une limite à la liberté d'expression », a poursuivi Reporters sans frontières « Laisser au seul jugement de certains magistrats l’appréciation d’une notion aussi subjective est très dangereux. Le montant maximum de l’amende est par ailleurs totalement disproportionné. La critique des religions, y compris leur négation, constitue une opinion parfaitement légitime et acceptable. En tant qu’opinion, elle ne devrait faire l’objet d’aucune sanction judiciaire. Ce texte offre en l’état une justification à tous les extrémismes religieux qui disposent désormais de la force de la loi pour asseoir toutes leurs thèses. L’Irlande vient de faire reculer l’Union européenne de plusieurs siècles et ne mesure vraisemblablement pas les conséquences à venir », a poursuivi Reporters sans frontières. « Nous demandons instamment que le Conseil européen se saisisse de ce problème et qu’il demande à l’Irlande d’abroger cet article qui fait du blasphème un délit. S’il est évident que tous les citoyens européens doivent être assurés de pouvoir pratiquer librement leur religion sans être inquiétés, il est tout aussi important que ceux qui font un choix contraire puissent bénéficier des mêmes garanties sans s’exposer à aucune sanction. A l’heure où de nombreux régimes tentent d’instrumentaliser les Nations unies pour établir une loi similaire au niveau mondial, il est urgent que l’Union européenne tienne une position claire, en adéquation avec ses principes fondateurs et avec les articles 10 et 11 de la Charte des droits fondamentaux. Nous prendrons, dans les mois à venir, des initiatives en ce sens », a conclu Reporters sans frontières. Voir le texte de la loi http://www.irishstatutebook.ie/2009/en/act/pub/0031/index.html La Charte des droits fondamentaux http://www.europarl.europa.eu/charter/pdf/text_fr.pdf Atheist Ireland http://www.atheist.ie/ Suivre l’action de l'association l’Atheist Ireland qui a décidé de tester la nouvelle loi et les magistrats en mettant en ligne une liste de 25 citations pouvant être jugées blasphématoires. Des citations qu'elle est notamment allée chercher dans le Nouveau Testament.
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Updated on 20.01.2016