Un mot pour la liberté de la presse ?

« Le 26 mai 2012, les regards de plus de 100 millions de téléspectateurs convergeront sur Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan, où se tiendra la finale du concours Eurovision de la chanson. A cette occasion, le public européen découvrira largement ce beau pays et l’hospitalité de ses habitants. Mais il est une autre réalité que les autorités auront tout fait pour masquer : celle d’un régime répressif et brutal, qui ne recule devant rien pour faire taire les quelques journalistes menant des investigations sensibles ou critiques », a déclaré Reporters sans frontières. « Il ne s’agit pas de gâcher la fête. Encore moins d’obéir à un quelconque agenda diplomatique ‘hostile’, comme Bakou tente de le faire croire. Mais comment la chanson pourrait-elle être totalement dissociée de la liberté d’expression ? Tandis que des chanteurs venus d’une quarantaine de pays feront entendre leur voix, d’autres resteront inaudibles : les cinq journalistes et le blogueur actuellement emprisonnés pour avoir fait leur travail ; les deux journalistes assassinés et les dizaines de professionnels attaqués, dont les agresseurs restent impunis ; les médias indépendants, largement éliminés. La société civile, elle, luttera pour qu’on l’entende. A chacun de contribuer, à sa manière, à ce que cette petite musique ne soit pas absente du concert. » Les autorités azerbaïdjanaises ont dépensé des centaines de millions de pétrodollars et largement modifié le visage de la capitale pour cet événement, qui consacre leur offensive de charme sur la scène internationale. Aucun effort n’aura été épargné pour offrir au monde l’image d’un pays moderne, dynamique et ouvert. Un nouveau Dubaï aux rythmes de croissance effrénés, aux discothèques tendance, aux plages accueillantes. Un paradis pour les investissements, si l’on fait abstraction de la corruption. Mais un paradis, l’Azerbaïdjan ne l’est certainement pas pour les journalistes. Ni pour les droits de l’homme en général. A la 162e place sur 179 dans le dernier classement mondial de la liberté de la presse, le pays compte à lui seul deux des 41 « prédateurs de la liberté d’informer » désignés par Reporters sans frontières à travers le monde : le président Ilham Aliev et son fidèle associé, Vasif Talibov, qui expérimente dans la région isolée du Nakhitchevan les méthodes répressives les plus poussées. Dans un rapport publié le 26 mars, le Groupe international de partenariat sur l’Azerbaïdjan, dont fait partie Reporters sans frontières, a documenté le triste état de la liberté de l’information. L’ensemble des médias audiovisuels est acquis aux autorités, verrouillé par une instance de régulation directement contrôlée par le Président. Les rares titres de presse indépendante ne circulent guère hors de la capitale. La situation des médias s’est encore détériorée avec la violente répression des manifestations pro-démocratiques qui ont secoué le pays au printemps 2011, dans le sillage des révoltes arabes. Arrestation de blogueurs, passages à tabac, enlèvement de journalistes d’opposition, expulsion de médias étrangers… La poignée de journalistes indépendants restants est régulièrement la cible de menaces et de campagnes de calomnie. Les assassinats des journalistes critiques, Elmar Huseynov en 2005 et Rafik Tagi en 2011, demeurent à ce jour impunis, tout comme les agressions dont sont régulièrement victimes les professionnels des médias. « Nous appelons les artistes présents à se manifester pour soutenir la presse et la société civile azerbaïdjanaise. La représentante de la France, Anggun, réputée sensible à la problématique des droits de l’homme, soulignera-t-elle la proximité entre l’ambiance carcérale de son clip et le quotidien des journalistes azerbaïdjanais ? L’Union européenne de radio-télévision (UER), qui supervise l’événement, doit elle aussi rompre le silence sur la grave situation des médias en Azerbaïdjan, en accord avec les principes et les valeurs qu’elle s’est engagée à promouvoir. Enfin, nous encourageons chacun des 1600 journalistes attendus pour l’occasion, à faire leur possible pour consacrer ne serait-ce que quelques heures de leur séjour à des rencontres ou recherches sur ce sujet », a conclu l’organisation. En braquant les projecteurs sur le pays, les autorités ont également donné à la société civile une occasion inespérée de faire entendre sa voix. Le soutien de la communauté internationale lui est nécessaire aujourd’hui. Mais il sera aussi crucial face aux représailles qui risquent de s’abattre sur elle, une fois les caméras parties. Informez-vous, rejoignez la campagne: - Le site du Groupe international de partenariat pour l'Azerbaïdjan - Le site de la campagne Sing for Democracy - Lire le rapport "La peur au ventre. La loi du silence en Azerbaïdjan":



Publié le
Updated on 20.01.2016

Europe - Asie centrale

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