Un journaliste torturé, détenu pendant près d’un mois, toujours poursuivi devant la justice militaire

Lire en arabe (بالعربية) Rami Aysha, collaborateur pour de nombreux médias internationaux, parmi lesquels Time Magazine, Time, Spiegel Online et Global Post, arrêté le 30 août 2012, a été libéré le 27 septembre 2012 contre le versement d’une caution de 1 million de livres libanaises (environ 515 euros). Toutefois, il reste poursuivi devant la justice militaire. Contacté par Reporters sans frontières, il raconte: “Le 30 août dernier, j’étais près de l’aéroport en train d’enquêter sur le trafic d’armes dans la banlieue sud de Beyrouth, quand j’ai été enlevé par douze personnes J’ai eu beau leur dire que j’étais journaliste et leur montrer ma carte de presse, ils m’ont menotté et bandé les yeux. Ils m’ont conduit dans un endroit, pas très loin, où ils m’ont frappé, et littéralement torturé pendant près de trois heures. lls ont placé un pistolet sur ma tempe et m’ont demandé de quel côté je préférais recevoir la balle. Et ils riaient, ou me hurlaient dessus. Ils m’ont cassé la caméra sur la tête. A un moment, ils m’ont demandé si j’étais droitier ou gaucher. Ils ont tellement tapé sur mon index gauche qu’il est cassé aujourd’hui. J’ai eu le sentiment qu’ils allaient me tuer. “J’ai ensuite été remis aux services de renseignements (Lebanese intelligence). Mon traitement ne s’est pas amélioré. Ils ont continué à me frapper, avant de m’interroger, alors que j’avais toujours les yeux bandés. Ils n’arrêtaient pas de m’insulter moi et le fait que j’étais journaliste : ‘Fuck you, fuck journalism!”. Après une ou deux heures entre leurs mains, j’ai été transféré à la police militaire, où la encore, j’ai été battu, avant d’être interrogé. Là, ils m’ont gardé pendant deux jours. Les yeux en permanence bandés, et pour ainsi dire menotté tout le temps. Pendant trois jours, ils m’ont privé d’eau, de nourriture, et de sommeil. Au total, j’ai été interrogé à quatre reprises. “Ensuite, je suis resté six jours à la prison de la police militaire. Le dernier jour, ils m’ont présenté devant un juge militaire. Grâce à un message envoyé à ma famille par le biais d’un détenu qui avait été libéré, j’ai pu être assisté d’un avocat. Je pensais être libéré, mais ils m’ont gardé près de six jours supplémentaiers dans une cellule dans l’enceinte de ce tribunal militaire, avant d’être transféré dans une prison à Tripoli. J’ai été enfermé quatre jours au milieu de détenus de droit commun, puis conduit à la prison de Biblos, avant d’être relâché. “Les charges n’ont pas pour autant été levées. Je ne sais même pas exactement les charges qui pèsent contre moi. Au début, j’étais poursuivi pour “contrebande d’armes”, puis “trafic d’armes”. Aujourd’hui, je crois que c’est pour “achat d’armes”. J’attends le procès devant le tribunal militaire. Je veux me battre pour que mon innocence soit reconnue. “J’ai un doigt cassé, des côtes brisées. Des marques sur tout le corps. Sans parler des séquelles psychologiques”. Depuis, le frère de Rami Aysha a reçu des menaces, lui intimant l'ordre de ne pas faire de bruit autour du cas de Rami. Le 18 septembre 2012, Reporters sans frontières avait écrit au ministre de la Défense nationale, Fayez Ghosn, au ministre de l’Intérieur et des municipalités, Marwan Charbel, et au ministre de la Justice, Chakib Cortbawi, afin de leur faire part de ses vives inquiétudes sur le sort du journaliste. L’organisation avait prié le ministre de la Défense nationale de faire toute la lumière sur les circonstances et les raisons de l’arrestation de Rami Aysha, sa comparution devant un juge militaire, ainsi que sur les allégations de mauvais traitements par les agents de la police militaire. L’organisation lui avait également été demandé d’utiliser toute son influence pour que le juge militaire accède à la demande de l’avocat de libérer le journaliste. Reporters sans frontières est indignée par le traitement infligé à Rami Aysha. L’organisation demande aux plus hautes autorités libanaises d’ouvrir une enquête sur les exactions commises par la police, ses propres services de renseignements, ainsi que la police militaire. Les responsables doivent être sanctionnés. Les charges retenues contre le journaliste doivent être immédiatement levées.
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Updated on 20.01.2016