Un journaliste menacé par "des militaires nostalgiques de la dictature"

Reporters sans frontières condamne les menaces de mort dirigées contre Alfonso Lessa (photo), collaborateur de la chaîne Canal 12 et du quotidien El País, depuis le début du mois d'octobre. Spécialiste de la dictature militaire (1973-1985), le journaliste est sans doute victime de ses prises de position concernant l'armée.

Reporters sans frontières condamne les menaces de mort récemment adressées à Alfonso Lessa, collaborateur de la chaîne Canal 12 et du quotidien El País à Montevideo. Le journaliste a reçu deux courriers électroniques émanant d'un individu se présentant comme “militaire d'active”, fustigeant ses prises de position concernant l'armée. “Ces menaces sont à prendre au sérieux. Alfonso Lessa est un spécialiste reconnu de l'époque de la dictature dont les plaies restent vives dans l'opinion publique. Il n'est pas innocent que ces menaces fassent suite aux premières condamnations de militaires et de policiers reconnus coupables de graves violations des droits de l'homme durant ces années noires. Aborder le sujet, c'est se mettre en danger. Il n'est malheureusement pas certain que tous les militaires soient prêts à affronter cette vérité-là. L'enquête sur cette affaire ne doit pas s'arrêter aux portes des casernes”, a déclaré Reporters sans frontières. Alfonso Lessa est l'auteur de plusieurs livres sur l'époque de la dictature militaire (1973-1985). Au cours de la première semaine d'octobre, deux courriers électroniques menaçants lui sont parvenus émanant d'un “officier subalterne”. L'un des messages l'accusait de mentir lorsqu'il avait affirmé que les jeunes cadres de l'armée souhaitaient que leurs aînés soient jugés pour crime contre l'humanité, afin de soulager l'institution militaire du poids de son passé. L'Association de la presse uruguayenne (APU), qui a révélé l'affaire, a attribué l'origine de ce courrier à des “militaires nostalgiques de la dictature”. Les menaces dirigées contre Alfonso Lessa interviennent après la condamnation et l'envoi en prison, par le juge Luis Charles, d'un groupe de huit policiers et de militaires convaincus de violations des droits de l'homme sous la dictature. Le même juge a également ouvert une information judiciaire contre plusieurs commandants des forces armées, et contre le général en retraite Gregorio Álvarez, président imposé par les militaires entre 1981 et 1985, date du retour à la démocratie. Inédites, ces procédures heurtent la loi dite de “caducité” (“Ley de Caducidad”) qui protégeait l'institution militaire de toutes poursuites, que le Parlement avait votée en 1986 et la population approuvée par référendum en 1989, afin d'instaurer la paix civile. Le débat agite la société quant à savoir si ces procédures ne contredisent pas la loi. Alfonso Lessa a estimé, lors de plusieurs interviews, que la loi de caducité répondait à l'objectif d'une transition démocratique mais qu'elle n'interdisait pas de rendre justice.
Publié le
Mise à jour le 20.01.2016