Un journaliste indépendant interdit de quitter le pays et menacé de cinq à huit ans de prison

Abdoulmalik Boboïev (photo, ferghana.ru), l’un des rares journalistes indépendants d’Ouzbékistan, correspondant de la radio Voice of America, a été inculpé par les autorités judiciaires de la ville de Tachkent, sous quatre chefs d’accusation. Le journaliste risque jusqu’a huit ans de prison. Abdoulmalik Boboïev est l’une des dernières voix critiques du pays. Bien que dans la ligne de mire des autorités depuis longtemps et mis sous pression depuis le début de l’année 2010, celui-ci n’a jamais renoncé à informer de façon indépendante la société ouzbèke. Aujourd’hui, les autorités exploitent un prétexte fallacieux et trivial pour tenter de le réduire au silence. Seule une mobilisation internationale, de la part des journalistes, des associations de défense des droits de l’homme et de la liberté d’expression, mais aussi des Etats et des institutions internationales, peut préserver Abdoulmalik Boboïev d’une incarcération, dont il est à craindre qu’elle ne s‘accompagne de mauvais traitements et de torture. Depuis longtemps déjà, les organisations internationales de la liberté de la presse, dont Reporters sans frontières, dénoncent le dialogue de façade entretenu par la communauté internationale et les autorités ouzbèkes. Ce cadre institutionnel permet à peu de frais au gouvernement de Tachkent de bénéficier d’une indulgence des institutions européennes, ce que nous jugeons inacceptable. La situation de la presse dans ce pays d’Asie centrale est dramatique et n’a pas connu d’amélioration pouvant justifier cette complaisance coupable. Abdoulmalik Boboïev s’est vu signifier, le 13 septembre 2010, sa mise en examen pour « entrée illégale sur le territoire » (article 223 du code pénal ouzbek), « diffamation » (art.139) ; « offense » (art. 140), « élaboration et diffusion de matériaux constituant une menace pour l’ordre et la sécurité publics » (article 244-1). Seuls les trois derniers sont liés à l’activité professionnelle du journaliste. Le même jour, il a été interdit de quitter le territoire. La date de son procès n’est pas connue à l’heure actuelle. La méthode des autorités est particulièrement scandaleuse. Elles ont guetté le premier prétexte pour « s’emparer » du journaliste. En janvier 2010, après avoir été convoqué et mis en garde par le parquet de Tachkent (en compagnie de quatre autres journalistes insoumis) sur ses activités journalistiques dans des médias non autorisés, Abdoulmalik Boboïev s’est expatrié quelques semaines au Kazakhstan voisin. C’est en mai, après son retour en Ouzbékistan, que le journaliste s’est rendu compte que les gardes-frontières avaient omis de tamponner son passeport au moment où il entrait de nouveau dans le pays. Alors qu’il menait un reportage sur des citoyens ouzbeks faisant la queue au poste-frontière pour entrer au Kazakhstan à la recherche de travail, les services de douane l’ont interpellé et lui ont fait part de l’absence du tampon nécessaire sur son passeport. Abdoulmalik Boboïev a dû rédiger une explication sur son déplacement. Son téléphone et son dictaphone lui ont été confisqués et il a dû payer une amende pour avoir pris des clichés sans autorisation. Il a ensuite été relâché. Mais très vite, le parquet de la ville de Tachkent l’a contacté pour l’informer de l’ouverture d’une information judiciaire contre lui. Toujours au mois de mai, devant prendre part à une conférence à l’étranger, le journaliste a remis son passeport à l’administration pour y ajouter de nouvelles pages vierges. Il n’a jamais pu récupérer le document, celui-ci ayant été transmis au parquet. A partir de ce moment, la procédure s’est accélérée et des charges liées à ses articles ont commencé à peser sur lui, notamment sur la base de l’expertise du centre de monitoring des mass médias de l’agence ouzbèke de l’information et de l’informatisation (UzACI). Un méthode que les autorités ont utilisée à plusieurs reprises cette année, notamment contre la photographe Oumida Akhmedova. Cette dernière, accusée de dénigrer son pays dans ses œuvres sur la pauvreté et la condition des femmes, encourait un maximum de trois ans de prison en vertu des articles 139 et 140 du code pénal. Déclarée coupable par la justice en février 2010, elle avait finalement été libérée, au titre d’une amnistie. Là aussi, une analyse prétendument scientifique des travaux de l’artiste, par l’UzACI, était venue conforter l’accusation. Onze journalistes sont actuellement en prison en Ouzbékistan : -Khayrullo Khamidov - Nawruz
-Dilmurod Sayid - Ezgulik
-Bakhrom Ibragimov - Irmok
-Davron Kabilov - Irmok
-Ravshanbek Vafoev - Irmok
-Abdulaziz Dadakhonov - Irmok
-Botyrbek Eshkuziev - Irmok
-Solidjon Abdurakhmanov - Journaliste indépendant
-Djamchid Karimov - journaliste indépendant, collaborateur des sites ferghana.ru et centrasia.ru
-Jusuf Ruzimuradov - Erk
-Mohammed Bekjanov Erk
Reporters sans frontières demande leur libération immédiate et sans conditions.
Publié le
Updated on 20.01.2016