Un journaliste égyptien devant un tribunal militaire

Lire en arabe (بالعربية) Reporters sans frontières exprime sa profonde inquiétude face à l’arrestation et à la comparution prochaine d’un journaliste devant une cour martiale, dernier épisode d’une série inquiétante de violations de la liberté de la presse. L’organisation demande la libération immédiate du journaliste free-lance Mohamed Sabry. Basé dans le Sinaï égyptien, il a été arrêté le 4 janvier dernier. Selon son épouse, il filmait, pour le compte de l'agence Reuters, la zone militaire de Rafah, afin de réaliser une enquête sur une décision des forces armées d'interdire l'achat de terres dans la zone frontalière. Egalement blogueur et activiste au sein d’une organisation de défense des droits de l’homme qui milite contre la comparution de civils devant des tribunaux militaires, Mohamed Sabry a été placé en détention sans avoir pu consulter un avocat et sans que sa famille ne soit avertie. Il sera jugé devant un tribunal militaire le mercredi 9 janvier 2013. D’après Eric Cunningham, correspondant du GlobalPost en Egypte, “Sabry était une source d’informations indépendante, objective et précieuse, dans une région peu couverte par les médias, y compris pour le GlobalPost qui travaillait avec lui”. “Nous sommes très préoccupés par la situation actuelle en Egypte et les atteintes répétées à la liberté de l’information qui se produisent depuis plusieurs semaines. Les autorités doivent accepter les critiques des journalistes et autres acteurs de l’information, sans quoi le climat médiatique risque de se dégrader davantage. Nous demandons la fin des pressions exercées sur les journalistes et les médias par les autorités égyptiennes, et dénonçons fermement le recours à des tribunaux militaires pour les journalistes” a déclaré Reporters sans frontières. L’arrestation de Mohamed Sabry intervient après une succession de plaintes et d’enquêtes judiciaires ordonnées par le parquet et visant des journalistes et des médias égyptiens, alors même que le président Mohamed Morsi avait déclaré, peu de temps après son élection en juin 2012, que “personne ne toucherait à la liberté de la presse”. Une plainte a ainsi été déposée contre le célèbre humoriste égyptien Bassem Youssef, animateur du show télévisé El-Bernameg diffusé sur la chaîne égyptienne CBC, dans lequel il parodie des personnalités politiques. Accusé d’avoir “insulté” le président Mohamed Morsi, il va faire l’objet d’une enquête judiciaire pour atteinte au statut du chef de l’Etat. Le quotidien Al-Masri Al-Youm, ainsi que l’un de ses journalistes, Yousri Al-Badri, font également l’objet d’une plainte de la présidence pour “propagation de fausses informations représentant un danger pour la paix civile, la sécurité publique et affectant la présidence”. Doaa El-Adl, la caricaturiste de ce même journal, est elle aussi la cible d’une enquête, après la parution d’une de ses caricatures jugée offensante envers la religion. Enfin, le parquet égyptien vient tout juste de décider l’ouverture d’une enquête visant Abdel Halim Qandil, le rédacteur en chef de l’hebdomadaire Sawt El-Umma (la voix de la Nation), accusé d’avoir “insulté” le président Morsi. Très critique envers l’actuel gouvernement, il est l’auteur d’un article paru au mois d’octobre intitulé “Morsi, tu es un menteur”. Ces plaintes et enquêtes judiciaires visant des journalistes se produisent dans un contexte particulièrement tendu, parfois même violent, pour les médias égyptiens. Reporters sans frontières a pu recenser des cas de plus en plus nombreux d’agressions, de menaces de mort et de harcèlement. Plusieurs bureaux ont ainsi été la cible d’attaques au Caire, notamment ceux d’Al-Jazeera, le 21 novembre 2012, et du quotidien égyptien Al-Wafd, dont le siège a été violemment saccagé, le 17 décembre dernier, par un groupe salafiste dont les membres ont fait usage de pierres et de cocktails molotov pour viser directement le bureau du journal, faisant ainsi plusieurs blessés parmi les journalistes. Dans ce contexte, il faut aussi rappeler le décès d’Al-Hosseini Abu Deif, pris pour cible par des partisans du président Morsi et atteint en pleine tête d’une balle en caoutchouc le 6 décembre 2012, alors qu’il couvrait des affrontements devant le palais présidentiel. Reporters sans frontières réitère sa demande d’ouverture d’une enquête sur les circonstances de sa mort, et des sanctions punissant sévèrement les auteurs de ces violences.
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Mise à jour le 20.01.2016