Un journaliste du Daghestan assassiné : la piste professionnelle doit être explorée jusqu’au bout

Reporters sans frontières est bouleversée par l'assassinat d’Akhmednabi Akhmednabiev (Ахмеднаби Ахмеднабиев), rédacteur en chef adjoint de l’hebdomadaire Novoe Delo. Ce journaliste daghestanais de 55 ans a été abattu froidement de plusieurs balles par un inconnu, ce matin du 9 juillet 2013, près de sa maison, dans le village de Semender (Caucause russe). Selon les enquêteurs, la piste prioritaire est celle de l’activité professionnelle de la victime. “Le Caucase russe perd un excellent journaliste qui couvrait des sujets difficiles, comme les violations des droits de l’homme ou les irrégularités électorales. Nous adressons toutes nos condoléances aux proches et aux collègues d’Akhmednabi Akhmednabiev”, a déclaré Reporters sans frontières. “Il est impératif que la justice du Daghestan fasse toute la lumière sur ce crime. Malheureusement, dans de nombreux cas d’agressions et d’assassinats, les autorités locales et fédérales n’ont pas montré la détermination espérée pour mettre fin aux violences perpétrées contre les journalistes. La justice doit faire tout son possible pour stopper cette spirale de violence qui vise les acteurs de l’information”, a poursuivi l’organisation. Akhmednabi Akhmednabiev s’éloignait en voiture de sa maison du district de Makhatchkala vers 7h30, ce 9 juillet, lorsqu’il a été atteint de plusieurs balles tirées par un inconnu. Le journaliste a succombé très rapidement à ses blessures. Une enquête a été ouverte pour “assassinat”, “destruction ou détérioration préméditée d'un bien” et “trafic d’armes” (art. 105, 167 et 222 du code pénal russe). La victime travaillait pour deux médias indépendants de la région, l’un basé au Daghestan, Novoe Delo, et l’autre à Moscou, le site Kavkaz-uzel. “Tous les employés et collaborateurs de Novoe Delo sont profondément choqués, nous a confié Ragimat Adamova, rédactrice en chef adjointe du journal. Nous n’avons aucun doute sur le fait que cet assassinat est lié à l’activité professionnelle d’Akmednabi. Rédacteur du département politique du journal, Akhmednabi Akhmednabiev a beaucoup écrit sur les droits des musulmans ou les fusillades extrajudiciaires. Dans son dernier article, paru le 5 juillet dernier, il critiquait le gouverneur de sa région. Il disait lui-même qu’il faudrait chercher là-bas les commanditaires de la tentative d’assassinat dont il avait fait l’objet le 11 janvier 2013”. En mai 2012, le journaliste avait déclaré avoir reçu des menaces. Et en janvier 2013, il avait été la cible d’un attentat dont il était sorti indemne. Aucune enquête pour “tentative de meurtre” n’avait été ouverte à l’époque. Seuls la “destruction ou détérioration préméditée d'un bien” et le “trafic d’armes” avaient été retenus. La décision du procureur de ne pas retenir la tentative de meurtre a, par la suite, été déclarée illégale, mais les charges n’ont jamais été requalifiées. Pour l'avocat du journaliste, Abdurachid Cheïkhov, cette grave négligence explique le peu de cas accordé à l’affaire. Il y a un mois, l’avocat a déposé plainte au parquet du Daghestan à ce sujet. La réponse du parquet devait être donnée demain 10 juillet. “Je suis persuadé que l'assassinat d’Akhmednabiev est le résultat de la négligence de nos forces de l’ordre”, a déclaré l’avocat dans une interview à Kavkaz-uzel. “On a payé le prix fort d’une justice incapable”, a confirmé à Reporters sans frontières Grigory Chvedov, le rédacteur en chef de ce média en ligne. Akhmednabi Akhmednabiev figurait déjà sur une “liste noire” de personnalités à abattre, qui circulait à Makhatchkala en 2009. Au sein de cette liste, plusieurs journalistes et défenseurs des droits de l’homme étaient qualifiés de “complices des rebelles”. Khadjimourad Kamalov, journaliste indépendant réputé, a été assassiné le 15 décembre 2011. Il figurait lui aussi parmi les cibles désignées. L’enquête sur sa mort n’a jamais abouti. Image : journal Novoe Delo
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Updated on 20.01.2016